Sous l'eau qui mousse je vois mes larmes tomber et fondre dans la bonde. Comme elles je veux couler et décliner. Me noyer. M'écouler. Me fondre. Dans l'ombre.
J'ai envie d'une douche et de montrer à l'extérieur combien je me sens neuve à l'intérieur.
J’ai envie de dire des choses mais je ne sais pas comment ordonner mes mots. Les phrases dérapent dans ma tête. Salade de mots. Salade de cervelle. Salade de pensées. Salade sémantique. Salade de semence. Ma cervelle en salade. Va, Vert. Vibre et vole.
Suffoquer. L'odeur. Cette. Odeur. De. Odeur. De porc grillé. De barbecue. Relent de porc qui rentre dans mes narines, m'emplit la gorge. Je suffoque. Suffoque. Suffoque. Il est là. Je cherche Lincoln derrière la vitre. Mais je ne le vois pas. Juste une épaisse trace de graisse sèche sur le goudron gris. Gluante comme de la bave de limace. Comme une limace. Je pense à du sel. Si je lançais du sel sur une limace elle se dissoudrait et mourrait. Si je lançais du sel sur une saucisse, elle aurait meilleur goût.
J'ai envie de parler. De lui dire des choses. De lui parler. De lui dire ce qui s'est passé hier soir quand je suis rentrée chez moi à pied. J'ai envie de dire des choses mais je ne sais pas comment ordonner les mots. Les phrases dérapent dans ma tête. Salade de mots. Salade de cervelle. Salade de pensées. Salade sémantique. Salade de semence. Ma cervelle en salade. Va, Vert. Vibre et vole.
Je vais bien, Maman, je t’assure. Je la regarde pour voir si elle a remarqué l’auréole rouge entre mes jambes qui imbibe la serviette. Qui flaque. Forme flaque sur le tapis. Maman cligne des yeux en chœur avec les gouttes. Bon, eh bien je vais t’en préparer au cas où t’aies faim après. Elle m’embrasse le sommet du crâne. T’as l’air patraque, Pêche. Elle me pince les joues de ses doigts crochus. Elle se lève et fonce vers la porte. Elle se retourne et me sourit avant de refermer la porte. Ses lèvres ressemblent à la viande que j’ai vomie en venant.
Mon ventre ne cesse de grossir et d’enfler, de ballonner.
Je t'aime Lincoln. Lincoln. Il a un nom et il aime. Je plie la feuille en deux, en quatre, la glisse dans ma poche et de mande comment il a pu se servir de ciseaux avec ses grosses saucisses de sadique. Je frisonne et chasse son ombre de mon épaule. Je vais me concentrer, oublier et penser à Vert.
Poisse épaisse poisseuse empoissant la laine lourde engluée dans les plaies, mes pas pressés ravaudant ma peau fendue, ma mitaine humide raclant le mur. Briques rouges rêches déchirant la laine. Déchirant la peau.
Il soulève mon pull et me le retire. Je lève les bras pour l’aider et pense, Je ne sais pas si j’ai envie qu’il fasse ça. Je m’allonge sur le lit et mon ventre rebondit. Je vois Vert le regarder et je dis, Je ne sais pas pourquoi il est aussi gonflé aujourd’hui. Il a un rire bref, embrasse mon nombril et dit, Tu es belle. Je ne sais pas s’il est sincère mais il se penche sur moi et commence à m’embrasser davantage. C’est rapide et j’aime ses lèvres mais je n’arrête pas de penser, je n’arrête pas de penser.