Pêche, elle ne sait plus qui elle est. Il lui est arrivé quelque chose, quelque chose de grave.
Pêche a été violée, elle ne sera plus jamais la même. Et pourtant, elle doit continuer à vivre après. Vivre avec le traumatisme. Après le viol.
La paranoïa, la honte, la peur, l'envie de disparaître, de se fondre dans le décor. Mais devoir continuer à être la même qu'avant. En parler ? Pas encore. Pas directement.
"Les escarres sont enflées, molles et jaunes, en forme de saucisses. Non, pas de saucisses. Assez avec les saucisses penser à autre chose. Des limaces. Des limaces infectées. Les pensées qui traversent mon esprit sont éteintes par le souffle brûlant de ma bouche. Les pensées sont furie et outrance puis s'en vont. Ce ne sont pas des saucisses ou des limaces. Ce sont juste des croûtes. Je prendrai des pansements à la pharmacie pour les protéger."
Pêche nous parle tour à tour de saucisses et de limaces, de Sable, de Vert, de sa vie au lycée, de son petit frère qui est au centre de l'attention de ses parents. Ses parents qui ne s'intéressent pas vraiment à leur fille adolescente, qui préfèrent se concentrer sur leur bébé et surtout sur leur plaisir sexuel. Car la vie se poursuit autour d'elle.
Alors tout est confus dans l'esprit de
Pêche. Entre le vide immense qu'elle endure en elle même et la haine incommensurable qu'elle ressent pour son violeur. Sa vie, ses pensées, son corps, tout se mélange. C'est souillé, c'est sale, c'est gros, visqueux. Se protéger, se soigner, arrêter d'y penser.
"La peur se retire. le coeur bat moins fort. S'arrête. Mes veines se vident. Ventre noué, je me vide de ma bile, une plainte rauque et gutturale, lugubre, saccadée et brisée. Saccadée et brisée. Quand mon coeur repart, le sang ne s'écoule pas. Je suis remplie envahie de haine."
Et le texte d'
Emma Glass est confus à son tour. On se perd dans les métaphores et « jeux de mots » déversés à chaque phrase. On en boit la tasse. Les chapitres sont intenses. le rythme est indigeste. On lit jusqu'à l'écoeurement, on est obligé de faire des pauses pour reprendre sa respiration. On est révolté pour
Pêche, c'est tellement répugnant ce qu'elle a subi. On aimerait pouvoir l'aider, mais les mots et le style nous maintiennent à une certaine distance. La solitude de
Pêche est flagrante, inquiétante, et angoissante. Même quand elle n'est pas seule physiquement, elle est seule avec ce qu'il lui est arrivé. On se sent impuissant.
L'idée de traiter le viol de cette manière est originale. Rien n'est agréable dans cette lecture. Tout est flou, lourd, on frôle l'indigestion. Mais la nausée, le dégoût sont finalement des sentiments, des émotions qui accompagnent le viol. C'est un sujet, qui dérange quand on entre dans les détails, et pourtant c'est essentiel d'en parler.
En refermant ce livre, je ne sais pas vraiment dire ce que j'en ai pensé.
Pêche, c'est un texte court, qui marque, qui dérange, qui ne peut pas laisser indifférent. Et rien que pour ça, je pense que l'effet sans doute attendu est atteint. le dégoût, la haine du violeur et l'envie de justice, d'aider
Pêche, de la soutenir. Ne pas se taire. Pour que cessent la peur et la solitude et que s'apaise le traumatisme.
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