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Critique de nilebeh


Douala, 1949. Charlotte Marthe atterrit sur l'aéroport de la deuxième capitale camerounaise et se sent immédiatement fondre de chaleur et d'humidité. La vie ici sera difficile, elle le sait tout de suite. Pourtant, elle a voulu ce voyage vers l'Afrique coloniale, le voyage comme un remède à la désillusion, la fuite pour oublier la douloureuse blessure d'amour infligée par Yves Kermarec, ce Breton qui l'a entraînée sur les sentiers de Savoie, a vibré avec elle de l'ivresse des montagnes et qui, tout simplement, lui annonce qu'il se marie. Mais avec une autre.

Alors, elle devient Madame la Directrice du collège de jeunes filles de Douala. Un collège hors norme, qui accueille des filles noires et blanches, un collège où l'on enseigne aux filles à se prendre en mains, à regarder lucidement la façon dont on traite la femme en Afrique, comme un bien qui doit rapporter à ses parents (heureusement, une fille va interroger sur les pratiques occidentales qui privilégient le « bon » parti, riche, s'entend). Charlotte a existé, sous le nom de Charlotte Michel et elle a bien développé le collège-lycée de New Bell. C'est à un engagement total que nous assistons, ni vie privée, ni repos, ni loisirs : Charlotte est une militante féministe à sa façon qui parie sur l'intelligence des « ses filles », les poussent au BEPC puis se bat pour qu'elles intègrent le lycée et enfin obtiennent une bourse pour étudier en France et devenir, finalement, les professeurs de leur propre pays.
Jolie époque où on ne soupçonnait pas chaque Noir de vouloir s'établir en France pour y devenir un assisté, où on faisait confiance à la soif d'apprendre et à la fierté de servir son pays. Elles sont devenues professeurs, infirmières, puéricultrices, secrétaires, comptables, les « Antilopes » de Charlotte et vivent encore aujourd'hui, fières de leur « marraine ».
Tragique époque que celle de la colonisation, où il faut lutter contre l'administration centrale et sa mollesse, contre les traditions locales, contre la morgue des colons et leur insupportable prétention.
Exaltante et terrible époque, où on assiste à l'épanouissement du peuple camerounais qui réunit ses deux composantes, anglophone et francophone, dans un même désir d'indépendance.

Nous suivons la vie quotidienne de Charlotte, au travers de son journal et avec elle celle des Camerounais de l'époque coloniale. C'est intéressant, émouvant, révoltant. Pour connaître un peu ce pays où j'ai plusieurs fois séjourné, je retrouve avec bonheur les quartiers de Douala, la construction du pont sur le Wouri, les ethnies dominantes et rivales mais aussi les si difficiles relations Noirs-Blancs, où rien n'est jamais acquis, où la réserve reste la règle et l'amitié si difficile à construire.
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