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Critique de scob


Dans le midi, quand on veut désigner un individu aux traits disgracieux, on peut l'appeler "face de poulpe". C'est une expression courante que l'on peut entendre régulièrement sur la Canebiere à Marseille ou sur la place de la Comédie à Montpellier. Quoi qu'il en soit, mes camarades de classe m'appelaient comme ça. Je n'ai jamais su si c'était un petit surnom affectueux et amical ou si c'était pour se moquer de ma trogne... jusqu'à aujourd'hui.

Ce livre m'a permis de répondre à cette question presque quarante ans après ces événements : les poulpes sont très intelligents et en plus ils sont magnifiques.

Merci Peter Godfrey-Smith, vous m'avez sauvé la face (de poulpe).

Alors, pour être tout à fait honnête, je n'ai pas tout compris aux résultats des nombreuses études présentées dans ce livre mi-scientifique, mi-philosophique. J'ai retenu néanmoins trois choses qui me semblent principales.

La première, c'est que l'ancêtre commun avec nous les humains remonte à fort fort longtemps et qu'en gros, nous n'avons pas grand chose à voir avec les poulpes. Dit comme ça, ça n'a pas l'air d'être une nouvelle révolutionnaire mais en fait, ça l'est. Il est assez extraordinaire de constater que deux formes d'intelligence aussi différentes ont pu se développer de manière parallèle et indépendante pendant le processus d'évolution des espèces. Comme l'auteur le précise, on cherche des intelligences extraterrestres partout dans l'univers alors qu'il suffit d'aller farfouiller dans les océans.

La deuxième chose que j'ai retenue, c'est que les poulpes ont un système nerveux bien différent du notre. Chez nous, le cerveau est l'unité centrale de la machine et commande l'ensemble des actions réalisées par le corps via un réseau de nerfs qui font transiter l'information. Chez les poulpes, il y a plusieurs "cerveaux" : le cerveau principal d'une part et les tentacules ventousées qui sont pleines de neurones également. de ce fait, il est possible que le poulpe fasse des gestes volontaires sans que le cerveau principal dans la tête ne soit au courant : "le poulpe peut contempler certains des mouvements de ses bras comme s'il était un spectateur."

C'est absolument fascinant. C'est comme si une partie de mon corps pouvait bouger sans que mon cerveau ne puisse contrôler le mouvement. Et c'est là que je me suis dit que je méritais peut être mon surnom de face de poulpe car, à bien y réfléchir, j'ai peut-être identifié un certain membre qui peut parfois s'activer sans que mon cerveau lui ait commandé de le faire. Il arrive même régulièrement que ce soit l'inverse qui se produise : mon tentacule inter-jambal reste parfois désespérément flasque alors que mon cerveau est au taquet. Je suis un poulpe.

La troisième information principale est la capacité des poulpes à changer de couleur pour s'adapter à l'environnement soit pour chasser, soit pour se cacher des prédateurs. Comme les caméléons. Et vu qu'ils n'ont pas de coquille ou d'os, ils peuvent, tel un blob, prendre des formes diverses et variées. Et cette capacité à changer de couleur telle que racontée est bluffante. L'inventivité qu'ils mettent dans les stratégies pour se cacher est la pieuvre que ces bestioles ne sont pas les couteaux les moins affûtés du tiroir.

Mais ce n'est pas tout. En discutant avec des amis, j'ai appris qu'il y avait un documentaire Netflix appelée "la sagesse de la pieuvre" ("my octopus teatcher" en anglais) et que même, il paraîtrait que c'est bien. Perso, j'aurais bien proposé "poulpe fiction" comme nom de film, mais bon ...

Donc, pour rester dans le thème, j'ai proposé à ma femme et à mes enfants de le regarder avec moi. Vraisemblablement, la vie des pieuvres ne les motivait pas plus que ça. On le regardera quand les poulpes auront des dents, m'ont-ils répondu, l'air hilare.

Mais il en faut plus pour décourager mes pulsions cephalopodophiles. En voiture Simone pour regarder en solo ce documentaire d'une heure et faire d'une pieuvre deux coups dans cette chronique.

Je passerai sur la beauté des images et des couleurs (notamment celles des poulpes, leur capacité à se camoufler est stupéfiante, un coup, elle se change en rocher, un coup elle se fond dans un amas de coquillages) car, même si cela ne gâche rien, l'essentiel n'est pas là.

Ce documentaire, tourné en Afrique du Sud, raconte l'histoire vraie de Craig Foster.
Craig est un père de famille un peu paumé, en pleine crise de la quarantaine. Il se décide de faire de la plongée sous-marine en apnée dans une forêt de varech (des algues marines) dans laquelle fourmille une population de bestioles marines particulièrement dense et variée. Mais soudain, il se retrouve face à face avec un poulpe femelle. Cette rencontre improbable va changer sa vie, surtout quand la sus-dite poulpe va tendre délicatement un tentacule pour toucher la main de Craig. Il va s'en suivre une histoire d'amitié qui va le bouleverser et il va décider d'y retourner tous les jours pour suivre et filmer la vie de sa nouvelle amie, qu'on appelera Ginette pour aider à la compréhension.

Il découvrira que sa copine Ginette possède une qualité que peu d'humains ont : la curiosité. Elle possède aussi une sensibilité et une intelligence rare pour se défendre, se nourrir, se soigner ou mettre au monde des petits poulpeaux (pas sûr que ce mot existe). Il lui découvrira également une capacité et une vitesse d'apprentissage et d'aptation hors du commun. Ginette s'est montrée capable d'apprendre de ses erreurs, par exemple quand une stratégie de chasse ne fonctionne pas ou de faire tourner en bourrique un requin qui cherchait à la croquer. En même temps, c'est nécessaire étant donné la faible espérance de vie (1 à 2 ans max), les femelles poulpes meurent généralement après avoir couvé les oeufs, la période de couvaison pouvant durer plusieurs mois, soit une grande partie de sa vie.

Autant dire que le reste du temps, les poulpes ont bien le droit de s'amuser un peu.

Live fast, die young !
C'est la devise des rocks stars.
C'est également celle des poulpes.

scob
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