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Critique de HordeDuContrevent


La récente critique de @Mh17 ainsi que la liste de Mylena « L'Ukraine en littérature » m'ont donné envie de découvrir enfin cet auteur ukrainien que je n'avais toujours pas lu. J'ai choisi de lire ses nouvelles, elles viendront m'apporter quelques respirations entre des livres plus conséquents. Des respirations aussi pour approcher ces peuples, ukrainiens et russes, comprendre leur culture, impuissants que nous sommes, en ce temps de conflits et d'angoisse. le manteau est la première nouvelle du recueil « Nouvelles de Pétersbourg ».

J'ai immédiatement été très surprise par le ton caustique de l'auteur et sa façon de prendre le lecteur à parti, comme si nous étions face à lui et qu'il nous racontait une histoire tout en s'interrompant de temps à autre pour nous apporter une précision. Nicolaï Gogol prend le parti du plus faible, du plus démuni, de l'âme pure et innocente, du moins calculateur et du plus sensible. En l'occurrence Akaki Akakiévitch Savatkine (prononcez le à voix haute, quel curieux patronyme n'est-ce pas ?), petit fonctionnaire invisible parmi les différentes strates des fonctionnaires, homme sans histoire qui se contente d'un maigre salaire, passionné cependant par son travail qu'il fait consciencieusement, avec véritable passion même, à copier des actes officiels à longueur de journée.

« le plaisir qu'il avait à copier se lisait sur son visage. Il y avait des caractères qu'il peignait, au vrai sens du mot, avec une satisfaction toute particulière ; quand il arrivait à un passage important il devenait un tout autre homme : il souriait, ses yeux pétillaient, ses lèvres se plissaient et ceux qui le connaissaient pouvaient deviner à sa physionomie quelles lettres il moulait en ce moment ».

Malgré les railleries de ses collègues et les traits d'esprit dont il est la cible, Akaki mène une vie paisible et simple. Une vie d'ascète, sans responsabilité ni considération. Sans histoires, ni loisirs. Vous pensez, ses quatre cents roubles de salaire lui permettent à peine de manger à tous les repas. Alors, lorsqu'il se rend compte que son manteau est tellement élimé, presque transparent à certains endroits, qu'il ne peut plus remplir sa fonction première de protection contre le froid glacial russe, imaginez son désarroi lorsque le couturier lui dit qu'il ne peut plus le réparer tant il est usé, il lui faut changer de manteau. Acheter un manteau neuf au prix exorbitant de cent vingt roubles.
Après la sidération et un certain abattement, s'en suit un colossal combat des mois durant pour économiser cette somme, désormais si animé par la perspective de ce nouveau manteau qu'il en ferait presque des fautes dans son travail de copiste, et, malgré les repas sautés et la fatigue consécutive, il est heureux comme un enfant lorsque le manteau peut enfin être commandé, fabriqué puis porté. Une fois le manteau acquis le pauvre homme va se le faire voler et personne, parmi les forces de l'ordre ou parmi ses collègues, ne lui viendra en aide.

Je suis passée du sourire aux larmes dans cette courte nouvelle. le ton caustique s'entremêle à une certaine grandiloquence romanesque qui pose les fondements d'un style hors norme, une photographie de l'humanité où la bassesse, la méchanceté, la rudesse, l'indifférence tuent. Où les nantis, les fonctionnaires hautains, la bureaucratie sont épinglés. le talent de Gogol est de nous faire aimer cet anti-héros, cet homme pathétique, insipide et ennuyeux, d'éprouver une réelle empathie pour lui.

Une lecture triste intemporelle. le manteau, sous la plume de Gogol, devient tissu de mensonges, bâillon pour les plus démunis dans cette société où les dés sont jetés quelle que soit la bonne volonté qu'on y déploie… et Akaki d'en découdre toutes les ficelles…
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