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Critique de KrisPy


Fort de ses 826 pages en petits caractères, cet opus de la saga des « Angélique » se laisse cependant lire aisément. La difficulté pour moi, viendra au moment de résumer ce livre… Car dans ce tome, Anne et Serge Golon ont fourni un travail colossal de recherches pour nous faire partager comme si on y était, un hiver à Québec sous Louis XIV, aux côtés de nos chers héros, Angélique et Nicolas de Peyrac.
Alors, comment résumer sans trop de longueur une telle somme d’informations ? Je vous avoue que je n'ai pas vraiment trouvé le truc... Allez, un peu de courage, c'est pas si long...
Après un voyage tout en diplomatie en naviguant du Maine vers la Nouvelle-France (Angélique et le complot des ombres), la flottille des Peyrac voit enfin se profiler sur les falaises du St Laurent la belle et jeune Québec…
C’est un moment crucial pour le Comte et la Comtesse de Peyrac de Morens d’Iristru. Ces deux réprouvés du Roi qui ont su tracer leur route avec honneur et noblesse malgré l’adversité et les complots qui se dressaient entre et contre eux, ce couple maudit et apatride maintes fois pourchassé, peut et doit se montrer plus uni que jamais, car avec ce débarquement en Nouvelle-France, c’est leur vie et leur liberté que jouent Angélique et Nicolas de Peyrac :
Angélique, l’ancienne « révoltée du Poitou » dont la tête a été mise à prix par le Roi lui-même, (voir Angélique se révolte) voit peser sur elle un puissant et dangereux complot. Car c’est surtout elle qui fût la cible des nombreuses attaques récentes : Mme de Maudribourg et ses sombres desseins ont failli la briser définitivement, envoyée probablement par ce jésuite fanatique, Sébastien d’Orgeval, dont l’aura maléfique semble toujours liée aux événements dramatiques qui surgissent (voir Angélique et la Démone). Et plus récemment, elle a su déjoué le meurtre qu’allait perpétrer sur son mari un sombre personnage venu de Québec, pour soi-disant les accueillir…
Ce mari tant chérit, son Amour, perdu puis retrouvé, Nicolas de Peyrac, dont l’effigie fût brulée en place de Grève, et dont la fortune, les titres et les terres furent saisies par ordre du Roi, et qui devint le plus puissant corsaire de Méditerranée ennemi de la France et du Roi, n’a dorénavant plus à prouver sa puissance et sa renommée sur les côtes du Nouveau-Monde. La réussite de ses entreprises, son sens de la diplomatie avec les Indiens et les Anglais, en font maintenant un redoutable adversaire pour le Roi de France et de Nouvelle-France…
Mais le temps des hésitations et des questionnements est terminé ; c’est maintenant et ici, à Québec la belle, que la partie s’engage vraiment.
Après un accostage plutôt chaotique qui faillit tourner au pugilat sur un malentendu, Angélique n’a qu’à paraitre pour gagner le cœur des Québécois : le gouverneur Frontenac semble conquis par ces nouveaux arrivants dont le renom fastueux les a précédés.
Et puis dans la place, déjà, des visages connus, des amis sont aussi présents, et fidèles aux époux renégats. -Des visages parfois venus du passé, celui, bien lointain, du temps de Paris et de la Cour des Miracles ressurgissent, inattendus, improbables… sous ses frusques de bonne bourgeoise aubergiste de la basse-ville, se cache une vieille amie… La Polak ! Intense réjouissance personnelle quand j’ai vu resurgir ce personnage du passé… Anne Golon a vraiment su tisser une grande complicité entre le lecteur et son héroïne…-
Mais d’autres faces moins avenantes refont également surface, et avec elles l’ombre du complot, des meurtres, du mensonge, pèse d’avantage sur Angélique. Surtout que l’hiver arrive vite, et que toute retraite, toute fuite est maintenant inenvisageable. Pas d’autre choix que d’affronter les tempêtes et les ennemies qui commencent à se dévoiler.
Ainsi, il faudra attendre que l’hiver passe pour avoir nouvelles du Roi et de sa décision quant aux époux Peyrac, il faudra attendre que les navires puissent retraverser l’océan et le fleuve, impraticable par grands froids, pour que les courriers envoyés cet automne aient une réponse. Il faudra attendre le printemps... Là, les destins seront scellés.
Angélique et le comte ont fort à faire pour consolider leurs amitiés et protéger leurs arrières, car même si le père Sébastien d’Orgeval a été mis de côté, et le jésuite renvoyé pour un temps à son enfer personnel, en Iroquoisie, là d’où il échappa déjà à la mort, mais pas aux tortures, son emprise est encore forte. Il est chargé de retourner vers les Iroquois, amener la bonne parole… mais eux ne l’entendent pas de cette oreille… Il a aussi pour rôle de prêcher la bonne parole aux Abénakis, acquis aux catholiques, mais qui ont du mal à appliquer les préceptes chrétiens. Mais le rôle du jésuite apparait sous un jour nouveau, quand sa correspondance est mise à jour : il a reçu pour mission de Colbert, d’attiser la haine des Indiens Abénakis envers les Anglais, et ce malgré le traité de paix signé entre Français et Anglais. Tout doit être mis en œuvre pour que les guerres fratricides reprennent entre Indiens catholiques et Iroquois, et contre les hérétiques Anglais, tout cela sans avoir à rompre le traité de paix hypocrite… Et accessoirement, les époux Peyrac doivent être écartés, peu importe la manière.
Mais Québec sera aussi l’occasion de s’amuser, de se poser un peu après tous ces périples, et de savourer l’art de vivre à la française… Car à Québec l’hiver, on ne s’ennuie pas ! Tout un tas de mondanités, de visites à faire aux uns et aux autres, puis les fêtes de Noël et de la St Sylvestre. Alors on vivra Québec en automne, Québec sous la tempête, Québec en liesse, ou emmitouflée, Québec en paix, ou sur le pied de guerre.
Ce tome dédié à Québec est une œuvre à part dans la saga : Histoire et histoires s’y mêlent, incroyablement détaillées, fluides et denses d’images, d’émotions, de surprises. Certains passages se montrent carrément oniriques, presque fantastiques… Comme cette traversée du fleuve St-Laurent de nuit sous la lune, au printemps, quand la glace du fleuve est à moitié fondue et charrie d’énormes blocs en mouvement, qui ralentissent la nuit à cause du froid, et que les plus courageux osent franchir, soit en sautant de blocs en plaques, au risque de mourir englouti à chaque faux pas, d’où le fait de devoir « courir », « voler » sur cette glace mouvante et meurtrière.
Ou encore cette scène épique et hallucinante, qui a vraiment eu lieu à l’époque, où une nuit, des milliers d’Iroquois se déversèrent en canoës sur le St-Laurent et passèrent sous Québec tremblante, toutes lumières éteintes et volets clos, en vociférant et hurlant des insultes et des provocations.
De la magie, de la sorcellerie, la beauté de la nature encore vierge et sauvage, les Indiens, les colons, de l’amour, du mystère, de la violence… Un cocktail très moderne pour cette histoire d’un autre temps…
Dans ce tome également, les époux Peyrac, et surtout Angélique,- car les deux amoureux ayant pour habitude de ne pas être en permanence « l’un sur l’autre », on ne verra pas beaucoup le comte, toujours occupé « ailleurs »-, sera confrontée à de bien dangereuses péripéties, mais aussi à elle-même, à sa passion dévorante pour son mari, et aux choses de l’amour… – on découvrira ainsi un couple bien libertin…- De remises en question en prises de conscience, Angélique grandit et s’assagit (un peu), mais son énergie ne faiblit pas.
Ayant déjoué les pièges et démasqué leurs ennemis, vainqueurs encore une fois, enfin pardonnés par le Roi, les époux rebelles relèveront-ils le défi de retourner auprès de leur souverain ?
Une écriture riche et documentée, sert cette fresque gigantesque qu’est la saga des Angélique, et avec cet opus, Anne Golon montre aussi qu’elle a grandi et mûri… son écriture s’affine, ses personnages aussi, et l’intrigue atteint là des sommets de maitrise. Ces 826 pages sont passées comme un rêve, un grand film épique et chatoyant sur les bords du St-Laurent sous Louis XIV... Cette année j’ai passé Noël à Québec, et c’était magique…

Challenge pavés 2015-2016
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