AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de batlamb


Vouloir comprendre quelqu'un, cela oblige toujours à se l'imaginer de façon déformée : subjectivité oblige. Je dois donc, selon ses propres termes, me résoudre à « faire une gueule » à Gombrowicz. Je ne suis même pas loin de lui faire « la » gueule, car son style ne m'a pas ménagé, avec ses répétitions, explétifs et pléonasmes qui allongent les phrases abusivement, outrageusement, démesurément. Et que dire de ce titre vide de sens, même en polonais, comme un pied-de-nez adressé au lecteur ? Bien qu'il ait eut plus de 30 ans au moment de publier ce livre, Gombrowicz revendique une part d'immaturité, en nous narguant avec sa prose provocante. Il s'oppose en cela aux pédants, caricaturés dans un corps professoral risible.

Le point de départ de son récit anticipe la riposte des pédants, qui voudraient le réduire à cette seule immaturité. Et donc l'infantiliser : le rendre « culcul », lui et tous ceux qui ne suivent pas une pensée formatée (comme par exemple le fait d'admirer inconditionnellement les grands classiques littéraires, sur le seul fondement de l'argument d'autorité).

Gombrowicz cherche une forme plus véritable que celle du gosse de 17 ans en lequel le transforme littéralement le regard des pédants au début de ce récit à la première personne. Pour affirmer son identité et mieux observer la réalité, il combat les apparences bien rangées (c'est-à-dire les formes) dans lesquelles l'esprit humain veut ordonner la vie. Il se démène pour échapper aux gueules, aux masques fallacieux que les regards des autres nous appliquent chaque jour.

Son livre en devient donc nécessairement difforme : ce n'est pas entièrement un roman, ni un récit linéaire, car il est haché par des digressions théoriques et autres apologues. le rêve de Gombrowicz est de surmonter les formes, toutes les formes, afin d'échapper aux oppositions entre des visions du monde toutes plus lacunaires les unes que les autres. Il souhaite donc concilier « la forme et l'absence de forme, la loi et l'anarchie, la maturité et la sainte immaturité ». « Laissez-moi rêver », nous martèle-t-il. On le suit comme on peut, dans ce méli-mélo littéraire brinquebalant, où son non-conformisme sème une zizanie parfois digne d'Astérix dans la société polonaise des années 1930, depuis le monde écolier jusqu'à la noblesse provinciale en passant par la famille moderne. Les scènes et les personnages s'avèrent toujours grotesques, et caricaturent à l'extrême les rapports sociaux, jusqu'à en révéler la barbarie dans des scènes chaotiques, où les corps finissent paradoxalement par se démantibuler sous la tyrannie des formes qu'ils s'imposent et imposent aux autres.

L'ensemble demeure rafraîchissant, même s'il faut s'accrocher pour suivre ce style si particulier. Preuve que Gombrowicz a réussi son pari d'originalité ?
Commenter  J’apprécie          1111



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}