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Critique de Sachenka


Quand je pense à la littérature polonaise, le nom de Witold Gombrowicz est le premier qui me vient en tête. Je n'ai lu que quelques romans et recueils de nouvelles de cet auteur mais ce fut assez pour apprécier son style et reconnaître son importance, tant au niveau littéraire qu'en général. Ainsi, ses Souvenirs de Pologne revêtent un intérêt certain. À quoi pouvait ressembler la Pologne du début du siècle dernier ? Quel regard nostalgique un grand auteur porte-t-il sur une époque révolue, sur un monde disparu ?

Bon, quelqu'un qui souhaite essentiellement un aperçu de la société de la Mitteleuropa sera peut-être un peu déçu. Je lui suggère plutôt le monde d'hier, de Stefan Zweig. Mais, pour les curieux en tous genres, Souvenirs de Pologne est davantage centré sur la vie privée Gombrowicz ou bien sur ses interactions avec la colonie artistique de Varsovie. En effet, l'auteur commence avec l'histoire de sa famille (origines lituaniennes, entre autres) et son enfance. Ses parents, ses frères, la vie de bourgeois au début du XXe siècle. Puis viennent les études et le séjour quasi-obligé dans la capitale française. Tout ça, c'était bref. Peut-être trop ? du moins, c'est l'opinion que j'en avais retiré pendant ma lecture mais, après coup, je me dis que c'était suffisant pour comprendre le caractère de l'auteur.

La partie la plus importante de ces souvenirs est consitutée essentiellement de l'Entre-deux-guerre à Varsovie. J'ai bien aimé remarquer les changements presque imperceptibles dans la société polonaise. « Ces vingt années, de 1919 à 1939, représentèrent tout de même un énorme saut en avant – je le vois aujourd'hui avec le recul. Peut-être surtout dans les moeurs. » (p. 285) Les valeurs changent (exil l'honneur et les duels, les castes et les charges héréditaires), les mode aussi. Quand le père s'est rasé la barbe, cela provoqua presque un drame familial ! Il y a bien quelques commentaires ci et là sur la montée du fascisme, tant en Italie qu'en Allemagne, et les bolcheviks ne sont jamais bien loin non plus. Toutefois, la politique polonaise est peu mentionnée (à part de rares mentions sur le maréchal à la tête du pays). C'était bien trop peu à mon goût. Je suis sorti de la lecture du roman sans vraiment comprendre de quel type de gouvernement il s'agissait. Ceci dit, ce n'était sans doute pas important, d'autant que la jeunesse me semblait plutôt apolitique. de plus, l'auteur ne savait pas qu'il avait à répondre à mes besoins. ;)

En contrepartie, là où Gombrowicz se montrait généreux, c'était sur son entrée dans le monde littéraire, ses premières oeuvres (ou, plutôt, embryons d'oeuvres) et les amitiés qu'il noua. Et il en noua beaucoup ! Il mentionne tant, tant de novellistes, de romanciers, de poètes, de critiques littéraires, d'artistes en tous genres, qu'il devient difficile de suivre le fil. D'autant plus que la majorité d'entre eux semblent avoir mal vieilli parce qu'on n'en parle plus, du moins pas dans le monde francophone. L'édition compte de nombreuses notes de bas de page, donnant quelques précisions sur cette galerie impressionantes de personnages. Quelques noms me semblaient familiers, comme Bruno Schulz, mais la plupart m'étaient inconnus. J'avais l'impression de patauger dans l'ignorance. Je suppose qu'un amateur de littérature polonaise, qui connaît plusieurs des écrivains mentionnés, saura apprécier davantage tous les anecdotes racontés.

À cette époque, Gombrowicz avait vingt-cinq, trente ans. C'est un moment pendant lequel tout jeune homme doute beaucoup, même de lui-même (en fait, surtout de lui-même) mais pendant lequel il croit capable de tout, même des rêves les plus fous. Un moment aussi pendant lequel son caractère se forge, où il juge, distingue de manière très aigüe ce qu'il aime, ce qu'il déteste. Et l'auteur aime et déteste beaucoup de choses. Un peu trop à mon goût. J'avais supposé qu'un artiste et un intellectuel comme lui aurait eu une opinion plus nuancée sur un tas de sujets. Mais non. S'il vouait une admiration sans borne à quelques unes de ces personnes, il en détestait beaucoup d'autres. Certains, il les aimait et les haïssait en même temps ou successivement. C'était parfois difficile à suivre.

Certains diront qu'il ne se prenait pas tant au sérieux. D'ailleurs, Gombrowicz l'écrit lui-même à plusieurs reprises. « Et le pire, c'était moi-même : le comble de l'affectation, de la prétention – chacune de mes paroles tournait autrement que je n'aurais voulu, tous mes gestes étaient corrompus. » (p. 46) Au début, je le croyais. Toutefois, plus l'auteur insistait sur ses mauvais sentiments, plus j'en doutais. Et si ce n'était que pour mieux dénigrer l'autre ? Dans le genre, « untel est bête mais vous n'êtes pas obligé de me croire ; en fait, ne vous fiez pas à mon avis puisqu'il ne vaut rien. » Alors, puisqu'il démontre tant d'honnêteté, on ne peut que le croire, même quand il juge sévèrement. de plus, j'ai connu tant d'artiste qui simulaient l'autodénigrement, en poseurs, comme s'ils retiraient une satisfaction quelconque à se couvrir de boue, que je trouve difficile croire de tels propos.

Dans tous les cas, Souvenirs de Pologne aide à mieux comprendre Witold Gombrowicz et, ainsi, jeter un regard différent ou plus affiné sur son oeuvre. Toutefois, je suppose que son Journal (paru en plusieurs tomes, que je n'ai pas lus encore) sera plus éclairant. En attendant, j'ai noté les noms de plusieurs écrvains polonais du siècle dernier, sans doute irais-je emprunté quelques unes de leurs oeuvres prochainement…
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