- Au fait, j'ai oublié de vous dire. Des journalistes ont appelés pour se renseigner sur vous. Bien sûr, nous avons refusé de répondre.
La menace est claire. Si je cause la moindre difficulté, on me jettera en pâture à la presse. Je suis priée de rester tranquille jusqu'à mon départ.
Février 2018. Le procès en appel va reprendre et la boule d'angoisse revient dans mon estomac. Elle enfle chaque jour, à mesure que la date fatidique approche. Bientôt reprendra l'humiliation nationale à laquelle on ne peut se soustraire. Comme chaque fois j'ai sous-estimé l'épreuve, je me suis crue forte et j'ai eu tort. Personne ne peut survivre à la fracturation de son univers.
Mon existence quotidienne se résume à un exercice de survie en milieu hostile auquel rien ne m'avait préparée. Je ne sait plus à qui faire confiance, imagine des reproches, de la déception ou pire, de la pitié, dans les yeux de collègues ou de proches sur qui je croyais pouvoir compter.
Comment se retrouve-t-on, du jour au lendemain, avec un patronyme d'ennemi public numéro un ? Où réside la faille originelle ? J'ai beau chercher, creuser, l'argent n'explique pas tout. Mes parents ont commis une faute qui les a conduits à leur perte, et d'une certaine manière à la nôtre. Pour que nous en arrivions à de telles divisions, il faut néanmoins admettre l'existence de très anciennes et profondes fêlures.
Je n'ai pas besoin de chercher le sens de la situation, je pourrais inventer mes propres définitions. Exclusion, paria, bannissement, déchéance, mépris. Les mots sont durs et tranchants, ce ne sont plus des amis.
Mes parents s'accusent à présent des pires abominations, et chacun se défend des calomnies de l'autre avec des accents d'authenticité poignants. Les piques fusent, les insinuations et les attaques se dessinent, mais les seules cibles que ses tirs nourris de griefs réciproques atteignent réellement sont leurs enfants, spectateurs consternés de cet affrontement sans vainqueur.