Au harem, les sourires servaient naturellement de bakchich, tout comme les froncements de sourcils et l’enthousiasme, la froideur et les propos acerbes. Sourires et trépignements étaient, au sein de ce monde clos, monnaie courante. Derrière chaque geste se cachait le désir d’être remarquée. Et, derrière ce désir, il y avait l’espoir de gravir les échelons, de monter dans la hiérarchie des femmes du harem, de se rapprocher de plus en plus du corps de l’homme dont la vie leur était, pour ainsi dire, confiée.
Quand l’enjeu n’était autre que le sort des empires, même un revers pouvait avoir des retombées positives.
Les hommes sont mus par la peur, et ils ne craignent que ce qu’ils ne connaissent pas.
Le harem avait un langage qui lui était propre : des mots et des expressions qu’il fallait apprendre sous peine de passer pour une novice. Ce langage allait de pair avec une diction plus douce et plus sifflante que celle des Turcs de la rue, plus noble, plus coulante. Il en allait du zézaiement du harem comme de la douceur des mains : c’était une marque qui attestait de son rang. La voix d’une fille du harem ressemblait à une caresse.
En général, dans ce quartier, les gens se connaissaient de vue, et les intrus étaient rares. Ceux qui ne venaient que pour fureter l’étaient plus encore et, de ce fait, étaient considérés comme des bêtes curieuses.
Tamerlan était un puritain, hostile au luxe et à l’insouciance citadine. Pour lui, et pour ceux qui lui ressemblaient, nous ne sommes qu’un squelette enrobé de chair. Dans la mort, cette réalité éclate au grand jour. L’âme, de son côté, n’a rien à voir avec tout ça. Le crâne se montre pour ce qu’il est... une prison terrestre.
De nos jours, tout peut être interprété de travers.
Il est une règle entre toutes qu’il vous faut observer : c’est la règle du silence. Nous formons une famille. Et, comme dans toute famille, nous avons, à n’en pas douter, nos désaccords et nos rivalités. Mais ce qui survient ici, dans le harem du sultan, ne regarde que nous et personne d’autre. Vous allez voir et entendre des choses qui vous surprendront. Peut-être même en serez-vous contrariées. Mais tout cela, c’est notre affaire, et celle de personne d’autre.
Les hommes ont des attentes que je ne cerne pas encore. Certains ont des exigences. Entre exigence et menace, il n’y a qu’un cheveu.
Il se tient sur ses gardes. Non pas qu’il soit quelqu’un de superstitieux, mais le mérite et la fierté attirent le mauvais œil.