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Critique de fabienne2909


Quand Julie rencontre Abdou dans un garage du Cap, en Afrique du Sud, après avoir cassé sa voiture, c'est une attraction immédiate de sa part. Une relation naît entre les deux jeunes amoureux. Tout pourrait aller dans le meilleur des mondes sauf qu'Abdou n'a plus de papiers depuis l'expiration de son visa de travail, et que leurs sentiments se développent dans un pays encore fortement marqué par l'Apartheid. Nadine Gordimer raconte ainsi dans son roman la collision de deux mondes, celui de Julie la Blanche privilégiée mais qui prend ses distances avec ses origines, et Abdou l'immigré qui tente sa chance dans les rares pays qui acceptent sa venue, venant d'un pays arabe considéré le plus souvent comme indésirable.

Suite à une dénonciation, Abdou se voit signifier son expulsion du pays. Malgré l'aide qu'il obtient de Julie (après l'avoir quelque peu poussée à le faire, car pour lui, elle doit forcément y réussir, par son réseau et ses contacts), la sentence reste définitive. C'est donc le retour à la case départ après tous ses efforts. Dans un élan d'amour, Julie décide de tout quitter pour le suivre, ce qui implique leur mariage, Abdou ne pouvant amener avec lui une femme hors liens maritaux. C'est une deuxième épreuve pour leur relation. Comment celui-ci va-t-il prospérer dans cette société différente de tout ce qu'a connu Julie ? Abdou va-t-il accepter si facilement ce retour synonyme de défaite ?

« Un amant de fortune » dissèque assez subtilement les différences sociales qui se jouent de manière plus ou moins consciente dans une relation amoureuse, quand les partenaires ne semblent pas sur un pied d'égalité. Abdou en a fortement conscience, lui qui ne se sent accepté et à sa place nulle part, sans se rendre compte (ou vouloir se rendre compte) que Julie peut ressentir la même chose, elle, la fille à papa des « Beaux Quartiers », qui souhaite se couper de son monde privilégié. Cette volonté-là lui est même reprochée par tous, sa famille, ses amis et en premier lieu Abdou, qui voit en ce désir d'émancipation égalitaire un luxe de privilégiée (pourra-t-elle jamais sortir de ce statut ?). Y compris quand la situation s'inversera et que ce sera Julie, l'étrangère dans un pays diamétralement opposé dont elle ne parle pas la langue et ne saisit pas les coutumes dans un premier temps.

Nadine Gordimer nous offre ainsi un roman aux personnages particulièrement fouillés : Julie qui n'écoute que son coeur et souhaite s'offrir tout entière à son amant, qui lui offrira peut-être les racines et l'attachement dont elle a manqué ; inconsciente de ses privilèges en Afrique du Sud, mais aussi dans le pays d'Abdou puisqu'elle vient d'un « bon » pays, d'un point de vue migration, et qu'il ne lui sera pas difficile de rentrer chez elle ni d'aller ailleurs (même si le roman a tout juste vingt ans, je l'ai trouvé toujours pertinent à ce sujet). Abdou qui n'arrive pas à vivre sa relation avec Julie, étant trop imprégné d'une sensation d'« infériorité » car issu d'un pays mal considéré dont il a honte, et prisonnier d'une dureté développée à la suite des nombreux échecs rencontrés lors de ses migrations. Je lui ai trouvé en effet un côté utilitariste (il se sert pas mal de sa femme pour tenter de rester en Afrique du Sud ou obtenir un visa une fois retourné dans son pays) et d'une agressivité plus ou moins larvée à l'égard de Julie, qu'il s'empêcher d'aimer. Ces sentiments mélangés ne peuvent que se comprendre, lui qui ne rêve que de réussite dans un pays développé.

La description des inégalités est assez prenante et bien faite : inégalité raciale en Afrique du Sud, la conscience de qui est Blanc ou Noir, même vingt ans après la fin de l'Apartheid, inégalité de développement économique et de bien-être de la population dans le pays d'Abdou par rapport aux pays plus développés. Qu'est-ce donc qu'un bon ou un mauvais pays ? Une bonne ou une mauvaise situation sociale ? Peut-on échapper à sa condition de départ ?

Malgré tout, j'ai été désorientée par l'écriture froide de Nadine Gordimer avec laquelle je n'ai pas bien accroché : en effet, ses phrases sont souvent hachées, introduisant des ruptures, des ellipses et des déséquilibres dans la narration. Cela rend les réflexions introduites parfois dures à suivre, et une distance avec les personnages que je n'ai pas su rejoindre. Je suis donc restée à distance de l'histoire et des personnages. Dommage.
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