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Critique de Eric75


Nom de Zeus ! J'ai l'impression d'un Retour vers le passé ! J'ai depuis peu récupéré ma capacité à trouver le temps nécessaire pour produire et publier des critiques dans Babelio ! Je tiens donc à exprimer toute ma gratitude et remercier mes parents, mes professeurs de français, mon dernier employeur et surtout l'Agirc-Arrco qui ont permis de rendre tout cela possible...

Depuis ma précédente critique postée sur le site en novembre 2018, la liste des critiques en attente s'est considérablement allongée, et selon mes dernières lectures, le site me signale gentiment qu'il me reste encore 105 livres à critiquer, ou critiques à livrer, ce qui revient au même.

Certaines de ces lectures n'étant plus toujours très fraîches, je me suis imposé un « challenge » consistant à relire des séries de bédés ou de romans depuis leur origine et par ordre de date de parution, un vieux fantasme de lecteur que certains comprendront sûrement. Ayant acheté l'intégralité des albums d'Astérix, pour faire connaître cette oeuvre monumentale (avec plus ou moins de succès) à ma progéniture et poursuivant cette série encore aujourd'hui, dans l'attente fiévreuse d'une histoire d'iris blanc, il m'a semblé que le petit Gaulois était un bon candidat pour commencer.

On ne présente plus Astérix. Il appartient désormais à l'imaginaire collectif de 3 à 4 générations de lecteurs au minimum. Son message est intemporel et universel : il résiste encore et toujours à l'envahisseur, un destin qui restera sans équivalent jusqu'à l'apparition de David Vincent sur les petits écrans dix ans plus tard. Les habitants du village gaulois, teigneux et irréductibles, sont l'archétype des Français indépendants et râleurs, à qui on ne la fait pas, sortant victorieux de toutes les situations et de tous les combats (mais en trichant un peu, grâce à la potion magique du druide Panoramix).

Les albums au fil de la série vont s'alimenter de contextes culturels ou historiques variés, de faits de société ou de thématiques modernes que les auteurs transposeront dans l'Antiquité pour le plus grand bonheur des lecteurs. Cependant, le premier album, Astérix le Gaulois, sert surtout à planter le décor, et les personnages récurrents ne sont encore qu'en très petit nombre, ils vont s'étoffer au fil de l'eau lors des parutions successives d'albums.

Obélix, que certains considère comme le véritable héros de la série, n'est ici qu'un figurant. Il semble amaigri et esquissé sous des traits non encore définitifs qui le rendent méconnaissable (le dessin de couverture, où il est d'avantage identifiable, est largement postérieur au contenu, prépublié dans le journal Pilote à partir de 1959). Astérix lui-même, apparaît plus grand que sa représentation définitive. Quant aux autres personnages, ils sont eux aussi très différents de leur représentation habituelle (César, Abraracourcix, Assurancetourix et, surtout, Cétautomatix).

C'est Uderzo qui a voulu ajouter un personnage « secondaire », Obélix, faire-valoir du héros officiel Astérix donnant son nom à la série. Uderzo avoue lui-même préférer dessiner des gros balèzes comme le prouvent aisément ses précédentes créations (cf. Belloy, et bien sûr Oumpah-Pah). Dans Belloy, clairement, c'est le petit malingre à moustache – le Père Hoc, avec ses faux airs d'Astérix – qui sert de faire-valoir au grand musclé héros de la série qui a la préférence d'Uderzo. In fine, Obélix, voulu par Uderzo, n'aura pas le temps de montrer son véritable potentiel comique dans ce premier album.

Passons sur le synopsis, simple mais néanmoins efficace, qui ouvre une série de scénarios bâtis sur le thème récurrent : comment les romains imaginent un stratagème pour s'emparer de la potion magique. Les deux auteurs posent de fait les futurs standards de la série : la mission confiée à Astérix « petit guerrier à l'esprit malin », Obélix toujours frustré et privé de potion magique, les citations latines, les jeux de mots, les romains invariablement inefficaces et humiliés, la banquet final.

A la fin des années 50, une forme de censure assez sévère existe pour les publications destinées à la jeunesse, notamment concernant la représentation de la femme dans la bande dessinée. En relisant cet album avec un oeil neuf, une anomalie passée inaperçue lors de nos premières lectures, car elle s'inscrit dans les traditions d'une époque, nous saute aux yeux aujourd'hui et peut même passer pour une faute de goût, voire une véritable goujaterie : l'absence totale de personnages féminins (vérifiez vous-même, il n'y en a aucun) ! Ce choix d'un autre temps disparaîtra très progressivement et constituera l'un des fils conducteurs de mes prochaines critiques. Précisons dès maintenant que les premiers personnages féminins qui bénéficient d'un prénom dans la série – mais qui doivent se contenter d'un rôle de figuration – sont Éponine, du nom d'une Gauloise ayant vécu au 1er siècle, épouse de César Labeldecadix apparaissant dans le Tour de Gaule (album n°5) et Boufiltre (prénom logique pour une gauloise) qui n'apparaîtra que dans le Combat des chefs (album n°7). Ces personnages précurseurs apparaissent bien avant les personnages féminins récurrents que nous connaissons aujourd'hui et qui commenceront à exister dans de petits rôles : Falbala (album n°10), Bonemine (album n°11), Iélosubmarine (album n°14), Mmes Agecanonix et Cétautomatix (album n°15), etc.

Dans ce premier album, la prise en compte des femmes semble être si compliquée ou hors sujet qu'il est préférable de les faire disparaître purement et simplement. Ceci est particulièrement visible dans certaines scènes que l'on pourrait presque qualifier de gênantes : lors de la danse folklorique organisée par les habitants du village, on ne voit que des hommes (planches 15 et 16) ; le banquet final (planche 44b) ne réunit également que des hommes y compris pour faire le service ou pour surveiller les sangliers à la broche (déjà le syndrome du barbecue ?). Mais où sont les femmes ? chantait Patrick Juvet encore traumatisé par cette découverte en 1977…

Je m'interroge sur cette disparition, digne de la misogynie d'un journal Taliban. Drôle d'époque. En fait, c'est la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse qui amène les éditeurs à s'autocensurer, allant jusqu'à provoquer la disparition des personnages féminins. Il faudra attendre Astérix Légionnaire, donc le 10ème album de la série sorti en 1967 pour voir enfin un vrai rôle proposé à un personnage féminin : Falbala. Les plus célèbres héroïnes de la bande dessinée pour la jeunesse ne sont pas en reste : Laureline apparaît également en 1967, elle n'était initialement pas prévue pour être un personnage récurrent et son prénom est intégré au titre de la série à égalité avec Valérian quarante ans plus tard, en 2007. Natacha l'hôtesse de l'air et Yoko Tsuno n'apparaissent qu'en 1970.

On remarquera, lors du banquet final, que le barde Assurancetourix n'est ni enchaîné ni bâillonné et participe à la fête. La mise à l'écart du barde en forme de running gag va commencer à partir du deuxième album La Serpe d'or (qui devrait en principe faire l'objet de ma prochaine critique, clic, clic, clins d'oeil appuyés).

Pour conclure, ce premier album est, vous l'aurez compris, absolument incontournable, non seulement pour comprendre comment tout a commencé, mais également pour apprécier l'évolution au fil des albums de l'une des séries les plus géniales et les plus populaires de la bande dessinée franco-belge, Dico eum ut ego cogito * (* Je le dis comme je le pense). Farpaitement, par Toutatis !
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