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Critique de Apoapo


Je sors exténué de la lecture de cet ouvrage qui pourrait s'intituler : « Traité de l'hospitalité comme phénomène à la réalisation extraordinaire, porteur d'une satisfaction improbable, caractérisé par des normes et des conséquences extrêmement complexes et compliquées ».
Il faut d'abord se débarrasser de deux nostalgies : celle d'une Antiquité plus hospitalière que le temps présent (les règles homériques n'établissant guère un accueil plus idyllique que les commandements mosaïques n'auraient éradiqué l'adultère ni le meurtre...), ainsi que celle d'une universalité traditionnelle insouciante et heureuse. Rousseau l'avait déjà compris, qui clamait : « Rien ne rend plus hospitalier que de n'avoir pas besoin de l'être » (p. 28). L'hospitalité est une inhospitalité en sursis, le terme de « frontière » étant significativement employé entre les deux, et de manière correspondante, « il y a toujours plus hospitalier que soi ».
Si l'hospitalité entre pairs (et sous-entendant la réciprocité ou son éventualité) est l'exception, l'asymétrie des relations est la règle, la territorialisation de l'hôte la source principale de problèmes, surtout parce que celui-ci modifie le système domestique et les relations familiales : ce qui est en jeu, dans le fond, c'est la construction et la régulation des altérités. le passage est donc évident entre la solidarité avec le nécessiteux (ou rendu tel) à titre privé (hébergement) et l'organisation d'un système collectif et public (associatif ou/et de sécurité sociale) à la même visée d'une part, et celui entre l'accueil de l'individu et la réception des étrangers conçus comme groupes – migrants, réfugiés ou exilés – de l'autre. Les deux passages ne sont pas irréversibles ni ne comportent une amélioration du sort de l'hôte, mais sont, pour chacun, semés de ses propres embûches.
Le « sens de l'hospitalité », intitulé de l'essai et de son court chapitre médian (ch. 9) qui devrait renverser ce pessimisme et « faire apparaître la puissance du ressort qui l'anime [l'hospitalité] néanmoins et malgré tous ces problèmes » (p. 265), par la multiplicité des causes – individuelles, biographiques, intimes de l'hébergeant – invoquées et par leur relativité à des circonstances très aléatoires, produit en fait l'effet inverse. le ressort est toujours réversible.
S'ensuit une très longue étude de trois cas (Troisième partie) : « L'hospitalité échouée des réfugiés du Kosovo » (ch. 10) ; l'expulsion des Juifs de la France de Vichy (ch. 11) – où un suggestif mais peut-être pas très scientifique usage du conte de Miguel Torga, « Le lépreux », est proposé à titre analogique – ; enfin le « centre de jour » parisien « L'Arc-en-Ciel » dédié aux personnes atteintes par le VIH (ch 12). En annexe, une courte méthodologie des entretiens.

Un seul doute : qu'un corpus différent eût pu conduire à des conclusions opposées. Ou que cinq cents pages fort denses et serrées et rageuses furent construites, sans antithèse, sur un biais personnel, ou pire, sur une amertume privée.
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