AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Tatooa


Je vais commencer par un aveu : je ne connaissais que vaguement Frédéric II avant de m'y intéresser de près suite à une discussion avec BazaR je ne sais plus où, sur le forum des Trolls de Babel ou bien sur un avis sur Babelio...
Et encore, je me souviens, ce n'était pas sur Frédéric II mais sur la société en Sicile au moyen-âge, cosmopolite et, semble-t-il, assez tolérante pour permettre à tout ce beau monde de vivre "ensemble", qui a ensuite dérivé sur Frédéric II...
Bref, je partais sans idée préconçue, et bien m'en a pris...

Car le livre de Gouguenheim est d'une neutralité très "scientifique". Elle satisfera les chercheurs et les gens comme moi, beaucoup moins les "romantiques rêveurs", lol !
C'est, en fait, une étude très poussée de l'ensemble des documents, biographies, écrits sur et de Frédéric II, de toutes les époques, quasiment exhaustive, je pense.

Ce n'est pas une biographie telle qu'on se l'imagine, temporellement linéaire, mais une étude des différents "domaines" de compétence (ou pas, ou, comme dit souvent M. Gouguenheim, en gros "pas impossible mais pas prouvé", (comme le fait qu'il parlait l'arabe, par exemple) lol) de Frédéric II. Sur sa politique, sa vision du pouvoir, de la société et de la justice à son époque, ses convictions, ses combats, son intelligence, ses constructions, ses destructions, son désir d'un empire unifié, etc...

Du fait de la construction même du livre, il y a beaucoup de répétitions de dates et d'événements. Mais ce n'est pas un mal, ça permet aux choses de se clarifier et de s'affiner (et de se mémoriser, aussi), au fur et à mesure qu'on avance dans le livre.

Je pense que du coup, étant entrée dans ce livre sans idée préconçue, j'en ressors avec une image assez "réaliste" du souverain qu'il fut. Pas aussi tolérant ni ouvert que certaines biographies ont bien voulu le dire, pas aussi cruel ou diabolique que d'autres l'ont décrit, il était juste un homme de pouvoir aux capacités politiques bien affinées, qui avait une vision très précise de son rôle et de "l'empire", qui a tout fait pour arriver à le mettre en oeuvre, mais a été contrecarré par les papes successifs, les rébellions permanentes des villes lombardes, et la nature humaine, qu'il faisait l'erreur de mesurer à l'aune de ses propres exigences...

Je l'ai trouvé fort sympathique sur sa vision de la justice (et totalement irréaliste), dans sa volonté de séparer l'église de l'Etat (d'où sa guerre permanente et quasiment personnelle avec les papes. J'ai bien aimé le fait qu'il pointait les grosses incohérences cathos, notamment l'indécente richesse de l'église, lol...), dans sa capacité à la diplomatie. Il me parait avoir été plutôt intelligent. Bon il a fait déplacer des populations entières, a saigné la Sicile, a réglé avec cruauté certaines rébellions, mais cela, à dire vrai, c'est compréhensible, pour "l'exemple"... Le pire étant la façon dont il a traité son propre fils, Henri VII, qu'il fit d'abord couronner, ensuite emprisonner, et qui mourut après avoir été trimbalé d'une prison à l'autre.
Il apparait ici comme inscrit "dans son temps", ni visionnaire ni particulièrement "en avance sur son temps". Très impliqué et habité par sa "destinée de droit divin", ce me semble, il ne s'embarrassait pas de scrupules, ni de tergiversations...

A noter : Louis IX, Saint Louis, n'a JAMAIS pris parti contre Frédéric II et pour les papes. Il s'est toujours prudemment abstenu de s'impliquer dans cette inimitié (qui m'apparaît comme totalement démesurée de la part des papes... Un peu l'impression qu'ils avaient la grosse tête et qu'ils étaient assez cinglés, complètement bornés, (Sauf Honorius III), mais c'est que mon avis, hein...
Je trouve ça très mal "joué" de la part, en tout premier lieu, d'Innocent III, trop habitué sans doute à ce qu'on fasse la moindre de ses volontés, et peu habitué à traiter avec un esprit plus libre que la moyenne. Il aurait plié un peu, ça aurait été très différent, Frédéric II aurait pu être un formidable "champion" de la papauté... Mais bon, j'y étais pas, lol, et avec des "si", c'est bien connu... Et comme j'ai dit au départ je connaissais pas, donc je suis très loin d'avoir un avis de "pro", c'est juste mes réflexions à la volée, suite à la lecture de ce livre... Après ils ont "gagné". Mais leur en reste une fort belle image (c'est ironique, bien sûr).)

Bref, c'est un très bon bouquin "impartial" sur Frédéric II, exhaustif dans ses références, très riche sur les multiples aspects du règne de Frédéric II, empereur de légendes, mais qui ne fut qu'un homme, au-delà de tous les fantasmes, positifs ou négatifs, que les chroniqueurs ultérieurs lui ont collé sur le dos.

"Même délivré des mythes et des légendes qui le rendent multiforme et intemporel, Frédéric II demeure un personnage étonnant, en aucun cas un souverain médiocre."

Commenter  J’apprécie          2410



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}