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Critique de soniamanaa


L'homme du café Kranzler est un très bon livre auquel ma note en 3 étoiles ne rend pas justice. Quelque chose dans l'écriture m'a gênée, et cela seul la justifie.
Ce préambule posé, c'est une formidable plongée dans la psyché allemande des années 30 que l'on fait avec ce document passionnant qui n'est pas sans dialoguer intimement avec Seul dans Berlin d'Hans Fallada.
Tout n'est pas qu'affaire de contexte. S'il est vrai que l'Allemagne avait été rendue exsangue par les accords de paix signés au terme de la première guerre mondiale, les diatribes hystériques et haineuses d'un petit caporal acculturé n'auraient jamais dû emporter l'exaltation, l'enthousiasme et l'adhésion d'un peuple qui avait engendré Goethe et Schiller.

Emmanuel Kant a un jour posé cette question: Was ist de mensch? le nazisme aura eu le "mérite " d'apporter un semblant de réponse. Être homme, c'est être le pire ou le meilleur, mais le plus souvent le médiocre. C'est préférer un conformisme routinier, c'est parfois revenir à la horde primitive avide de violence, ou c'est dire "non" et entrer en résistance.
Michel Goujon a écrit ce texte sous l'influence forte de deux textes qui l'ont marqué profondément. La Kallocaïne de Karine Boye qui décrit un monde totalitaire où la police de la pensée intruse jusqu'aux rêves du peuple, et le terrible Farenheit 451 qui a prouvé sans doute possible que la liberté est surtout affaire de culture. C'est aussi grâce et pour une vieille libraire juive que l'auteur a voulu tenter de décrypter ces ressorts subtils qui font basculer vers l'un ou l'autre des versants du courage.

Pour qu'un totalitarisme s'installe, il ne faut que peu d'ingrédients. Une presse aux ordres et beaucoup de censure, un climat de peur entretenu, l'encouragement des bas instincts et un ou des boucs émissaires.
Annah Arendt l'a formidablement explicité dans Les origines du totalitarisme, le conformisme est le plus doux des lits aux dictateurs en puissance.
En nous présentant Andreas et Magda, Michel Goujon donne à comprendre les rouages intimes qui vont pour l'une l'inciter à une adhésion totale et irréfléchie, et pour l'autre, l'amener lentement vers le refus et la résistance.
L'analyse est brillante et sans manichéisme.

Was ist de Mensch? La question reste posée et, me semble t'il, diablement d'actualité. Faust est toujours tapi dans l'encoignure de nos sociétés et L Histoire ne nous a pas vacciné des pactes délétères. En rappelant la nécessité d'une vigilance de tous les instants, ce livre fait oeuvre de salubrité publique.
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