AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Luniver


L'histoire de la monnaie m'a toujours fasciné : tenter de comprendre ce qui a poussé les individus à accorder de la valeur à des morceaux arbitraires de métal me plongeait dans un abîme de perplexité. Avec mes cours d'économie, j'ai accepté de bonne grâce l'explication de la raison de l'apparition de la monnaie, le désagrément de la double coïncidence des besoins (j'ai de la farine, je veux des chaussures : je dois trouver un cordonnier qui cherche de la farine, ou un boucher qui accepte de la farine en échange de viande, et un cordonnier qui échange de la viande contre des chaussures, etc.). Mais l'explication restait insatisfaisante : le besoin de monnaie n'explique rien sur l'entente générale sur le métal, et surtout, on prend l'histoire en cours de route : dans une économie basée uniquement sur le troc, personne n'aurait l'idée de se spécialiser dans un seul produit.

Aussi ai-je été plutôt surpris, et enthousiaste, quand l'auteur a balayé tout ça d'un revers de la main : cette explication tient du mythe fondateur, et ne correspond en rien à la situation historique. Tout comme d'ailleurs, la lente évolution proposée, troc – monnaie métallique – monnaie papier – monnaie virtuelle. Les premières économies sont fondées essentiellement sur la dette, et pas sur un échange immédiat : quand on a besoin de quelque chose, on le prend, et quand quelqu'un d'autre aura besoin de quelque chose plus tard, on lui donnera. Les communautés sont suffisamment petites pour que tout le monde se connaisse, et les abus sont empêchés par la pression sociale. Les paiements comptants ne sont exigés au départ que pour les étrangers de passage, et les individus en qui personne n'a confiance. Ce n'est que très lentement que l'argent va prendre la place de l'honneur et du respect de la parole donnée, en engendrant de sérieux problèmes moraux.

J'ai beaucoup apprécié cet essai, qui n'hésite pas à bousculer le lecteur, à remettre en cause des idées jusque là jugées évidentes. Là où j'avais toujours vu une histoire monotone et prévisible, l'auteur multiplie les hypothèses, les débats, des contre-exemples tirés des quatre coins du monde. J'ai été moins convaincu par sa lecture purement « monétaire » de l'histoire : on nous décrit parfois la naissance de philosophies, de religions, des grands massacres, comme des conséquences de simples histoires de dettes qui ont mal tourné. Mais enfin, dans l'ensemble l'essai était très rafraîchissant : il n'y a rien de mieux que de recevoir un bon coup de pied dans ses idées reçues au début d'un week-end.

Je tiens à signaler que j'accepte de troquer cet ouvrage contre un autre, mais j'en veux un en échange immédiatement, et d'un nombre de pages équivalent à celui-ci, soit 670 pages.
Commenter  J’apprécie          302



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}