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Critique de Patmarob


Christian Grataloup applique à un thème original, le petit déjeuner, une grille de lecture, la géohistoire. Ce champ d'investigation croise la dimension géographique, ici « le monde dans nos tasses », et un cadre temporel, « trois siècles de petit déjeuner ».
Le premier repas de la journée est un sujet d'études peu abordé. Christian Grataloup en précise l'étymologie. le terme définit l'apparition d'une nouvelle forme de repas au XVIII ème siècle. Si le « déjeûner » implique une rupture du jeûne nocturne (en français, hindi… ) d'autres langues ( allemand…) ont une appellation qui marque le premier repas de la journée.
Mais l'usage a déplacé le mot dans le quotidien. le déjeuner remplace le dîner en milieu de journée, le petit déjeuner s'impose donc au lever.
Au XIXème siècle, le petit déjeuner européen concentre l'espace monde. Il s'affirme autour de trois boissons chaudes issues de cultures tropicales : le thé, le café et le chocolat. Boissons de luxe réservées à la noblesse et à la bourgeoisie aisée au XVIII ème siècle, elles se diffusent, avec la Révolution industrielle, dans les milieux urbains et ouvriers.
Thé, café, chocolat et le sucre s'invitent donc au petit déjeuner européen. Les pays industriels du Nord se fournissent dans le Sud producteur. Les états européens organisent des circuits marchands ; les compagnies des Indes Orientales ( VOC hollandaise, East India Company anglaise…) intensifient l'importation de thé, de café. le commerce transatlantique est moins risqué. Depuis le XVI ème siècle, c'est le domaine du sucre puis ceux du café et du cacao. Les échanges s'intensifient, les colonies s'étendent, la traite des Noirs procure la main d'oeuvre…
Christian Grataloup présente l'évolution de la culture du café, la boisson la plus internationalisée du petit déjeuner. D'origine africaine (Ethiopie), elle est transportée et cultivée en Amérique latine et aux Antilles. Tandis que le cacao, plante américaine, suit le chemin inverse. C'est en Afrique que la culture du cacaoyer s'intensifie. le chocolat associe le cacao (d'origine mexicaine) au sucre (d'origine asiatique). La culture du thé est, elle, multiséculaire, production et consommation restent surtout asiatiques. Quand le thé a la faveur des britanniques, la guerre de l'opium et « l'espionnage « (Robert Fortune) permettent l'extension de la culture aux mains du Royaume Uni.
L'élaboration des boissons matinales demande une préparation complexe, de nombreuses inventions techniques … La tasse, d'origine chinoise, est modifiée pour la consommation de café, de chocolat…. Objet monde, elle est transformée par l'industrie de la porcelaine, l'arrivée des mugs….Les multinationales élaborent des boissons plus faciles d'utilisation (chocolat en poudre, café soluble…). Elles étendent leur marché au monde. Ainsi le " modèle" du petit déjeuner européen est mondial. Les productions tropicales sont au coeur des rapports Nord/ Sud. le « continent breakfast » s'est installé autour du monde, mais des traditions demeurent. L'auteur en voit des changements récents. Ainsi, le brunch associe petit déjeuner et déjeuner. La consommation en circuit court et local rentre en contradiction avec le commerce équitable. le local emprunte un autre chemin que le tiers- mondisme.
Les sujets abordés sont nombreux et montrent une vaste culture. La synthèse est claire , la lecture est aisée. Un ensemble intéressant d'illustrations annotées complète l'ouvrage. Voilà un livre à recommander.


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