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Critique de Calimero29


Deuxième très gros coup de coeur de cette rentrée littéraire après "l'enragé" de Sorj Chalandon, dans un registre totalement différent.
Nous sommes en 1919, sur les champs de bataille de la Somme. Des volontaires anglais ont pour mission de trouver et d'identifier les cadavres restés sur place après les combats. La jeune Amy Vanneck, de la haute société anglaise, débarque en mars 1919, décidée à retrouver son fiancé Edward Haslam même mort, porté disparu le 17 août 1918. Elle découvre que des assassinats horribles ont eu lieu dans lesquels Edward pourrait être impliqué. Elle ira jusqu'au bout pour découvrir la vérité, au péril de sa vie et et en perdant toute son innocence.

Ce roman noir historico-militaire est une vraie réussite à tout point de vue.
J'ai découvert un pan de l'après-guerre peu traité en littérature, du moins ce que j'en ai lu, celui consistant à identifier, prévenir les familles et offrir une sépulture décente à ceux tombés au combat loin de leur patrie. J'ai appris que les Anglais avaient fait venir des Chinois, regroupés dans le Chinese Labour Corps, assignés à des tâches non combattantes, pour effectuer les travaux pénibles (construction de voies ferrées, creusement de tranchées, récupération des cadavres). L'auteur évoque la consommation de drogue par les soldats anglais pour tenir physiquement et moralement, le racisme contre tous ceux qui n'étaient pas blancs, les dégâts psychiques provoqués par l'exposition continuelle à la barbarie, la violence, la haine. Ce livre est remarquablement bien documenté sans que l'arrière-plan historique prenne le pas sur la fiction.
Le roman s'ouvre sur l'assassinat, dans un hôpital militaire, d'un général de la Police Militaire par une colonel, défiguré, qui s'enfuit en emmenant l'uniforme de sa victime. A partir de là, le ton est donné, le suspense ne faiblit pas jusqu'au dernier chapitre qui nous laisse sans voix. Nous suivons la recherche d'informations par Amy, avec ses yeux de femme amoureuse, complètement ignorante de ce qu'est la guerre et de ce qu'elle fait aux hommes. C'est ce regard extérieur qui se modifie peu à peu, qui donne toute sa force au roman.
Les personnages, broyés par la guerre et ses conséquences, sont fouillés psychologiquement; tout n'est pas blanc ou noir. Les Anglais ne sont pas présentés comme de preux chevaliers défendant la liberté face à des "Boches" barbares. La sauvagerie n'a épargné aucun camp.
Les descriptions sont tellement justes, prenantes, angoissantes, évocatrices, que je me suis surprise à être tendue lors de certaines scènes; on se croirait sur ces terres désertées, labourées par des pluies d'obus, dans les tranchées boueuses.
Ce roman fait, bien sûr, penser à "Au-revoir là-haut" pour le destin des Gueules Cassées ou "Un long dimanche de fiançailles" pour celle qui recherche l'être aimé; il y a un peu des deux mais bien plus, de façon plus originale et percutante.
A noter que ce roman est le premier de Philip Gray, qui fait preuve d'une maîtrise remarquable de la tension romanesque, de la création d'atmosphères glauques, du suspense. Un auteur à suivre indubitablement.
Enfin un mot sur la très belle couverture avec en premier plan un champ de coquelicots qui s'étend à perte de vue, cette fleur symbolisant chez les Britanniques, les soldats tombés pendant la Grande Guerre et non pas la douce nature ou sa beauté fragile. Chez nous, la fleur ayant cette même symbolique est le bleuet.
Un roman que je ne suis pas près d'oublier.
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