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Critique de LeScribouillard


Comme d'habitude, la SF pour gosses ne se surpasse pas ; comme d'habitude les livres Babelio me réservent un joli bordel. "Roman d'anticipation" ? Très discutable, l'histoire se passe un siècle après notre époque, donc dans une époque bien moins prévisible que la notre car notre situation socio-politique ne peut plus y être abordée de manière réaliste et donc qu'elle a fini par devenir autre chose, et que la technologie a trop évolué pour ne pas avoir sa part du gâteau. On est donc dans de la SF et pas un bouquin comme "Matin brun" ou "Soumission" sans place pour la science mais se passant dans le futur. Mais c'est très pardonnable.
Ce qui l'est moins, c'est "dystopie" : on est dans du cyberpunk, nuance ! le système est injuste mais pas totalitaire ; il n'y a aucun point négatif sur lequel le gouvernement est extrême en-dehors de la guéguerre Voyelles / Zappeurs. Je vous l'accorde, cyberpunk ou dystopie, de toute façon dans les deux cas ce livre-ci reste du second choix.
La classification des genres reste quelque chose de relativement abstrait et tout le monde n'est pas autant un obsessionnel que moi là-dessus. Là où ça m'énerve, c'est fantastique : bon, on n'est pas dans de la hard-SF non plus. Mais ce qui est indiscutable, c'est : qu'est-ce qu'une certaine Ludivine Chataignon vient faire là-dedans ? Ou bien une utilisatrice narcissique est passée par là, ou bien il y a eu une soirée psytrance et je n'étais pas au courant.
Et puisqu'on en parle de la socio-politique et de la technologie, voyons comment elles sont traitées. Les geeks sont devenus les Zappeurs (au passage, on dirait un nom de film des années 80) et les intellectuels les Voyelles. L'idée de pousser le contraste entre les deux cultures au sein d'une même société n'est hélas pas très plausible, car 1/ il y a toujours eu des intermédiaires entre le prodige de Windows bouffeur de chips invétéré et le bourgeois du XVIe qui parle en sonnets ; 2/ les choses changent peu à peu : les blockbusters, jeux vidéos et autres romans de high fantasy font désormais parfois preuve de réflexion, tandis que les lettrés en France commencent à comprendre que la narration d'une histoire ne passe pas forcément par une sublimation de la langue dans toute sa complexité (pensez au rappeur Gaël Faye qui a remporté le prix Goncourt il y a quelques années à peine). Et dans des superpuissances comme les États-Unis, bien plus prosaïques, il n'en a jamais été question. Va pour une caricature sociale de temps en temps, mais elle aurait été mieux gérée dans un cadre humoristique.
Côté technologie, c'est de la série B : les Zappeurs sont des cyborgs, il y a des hommes-écrans, mais pas le ton noir lié à la technologie qui est d'habitude si puissant dans le cyberpunk. Normal, me diriez-vous : c'est de la jeunesse.
Bon, la sociologie, c'est râpé, la technologie, c'est râpé aussi, mais dites-moi un peu : tout ça, ce n'est que le worldbuilding ! Est-ce qu'il pourrait se passer quelque chose d'intéressant dans ce cadre-là ? Eh bien oui. L'idée d'un virus capable de vous faire visualiser l'intérieur d'un livre COMME SI VOUS Y ÉTIEZ est tout à fait bien expliqué et rendu avec maîtrise. Par contre, problème : ce qui fait tout le sel de cette histoire est que ce virus se propage extrêmement vite et qu'une fois écrits, les livres NE PEUVENT PLUS ÊTRE RELUS ENSUITE. Et ça, ce n'est jamais expliqué, et la seule solution que l'on trouve à ce problème ne fait que le RALENTIR, pas l'ARRÊTER.
Parlons un peu des partis pris : l'idée de faire cohabiter une Voyelle sourde et muette et un Zappeur aveugle donne deux bonnes choses. La première, c'est que des personnes handicapées dans la SFFF, on n'en voit pas tant que ça, et que dans les deux cas, les handicaps forment un paradoxe avec la culture du personnage : elle ne peut pas s'exprimer les mots alors que sa culture se fonde sur le ressentiment et lui ne peut plus voir les images alors que la sienne est visuelle. Malheureusement, tous ces problèmes s'effacent vite grâce à la technologie. Que voulez-vous, il faut faire avancer l'histoire.

En résumé, une idée de base très bonne malheureusement gâchée par un worldbuilding exagéré et des personnages dont les côtés qui auraient pu être révolutionnaires sont vite oubliés. À lire éventuellement, sans plus.
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