AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Coltrane


Celles et ceux qui avaient eu l'heureuse intuition de donner sa chance au premier effort de Carl Grès (Escales dans les limbes) s'étaient retrouvés frappés par l'évidence. Cette nouvelle plume s'écartait radicalement de cette production industrielle de papier où l'auteur, car c'est ainsi qu'il demande à être appelé, scrute son nombril avec l'application et la détermination du bousier, dans l'espoir de combler son inanité par des jérémiades d'une pauvreté stylistique inexcusable. Si la maîtrise de tout l'attirail technique et théorique était déjà bien là, elle était transcendée par son incarnation dans des personnages et une narration qui embarquaient le lecteur dans l'arpentage des nombreuses lignes de fuite que l'on se propose lorsque l'on constate que le mur vers lequel on se précipite est décidément bien épais.

De retour, Grès a grandi.

Il suffira de dire qu'il nous confie aux mains hésitantes d'un agoraphobe pour aller rendre visite au genre humain, dans la quête de ce qui nous enchaîne aux uns pour mieux exclure les autres. Ce faisant, il s'empare du zeitgeist, lui fait subir les derniers outrages et nous le restitue dépouillé des ses oripeaux commercialisables, laissant à vif les complexes et potentiellement explosifs réseaux de désirs qui animent n'importe quelle communauté, et qui sont le coeur du roman.

Démesurément ambitieux, dites-vous ?
J'avais prévenu, ça vole au-dessus du nombril.

Mais on n'est pas dans le roman à thèse. L'auteur, car c'est ainsi qu'il mérite d'être appelé, signe avant tout un thriller (il faut bien catégoriser) au suspense d'autant plus efficace qu'il joue avec les codes genresques tout en évitant les innombrables pièges d'une post-modernité assumée car épurée de ses excès.

En affinant son travail sur les personnages et surtout sur le narrateur, Grès parvient à donner naissance à une voix singulière, incarnée, vraiment là. Et loin des lapalissades et des généralisations essentialistes, il cherche, et trouve, ce qui manque à tant de ses concurrents : un point de vue sur le réel.

Faisons les comptes : un point de vue et une voix pour l'exprimer... Pas besoin de nombril.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}