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Critique de patachinha


J' ai lu ce livre un peu comme cette personne qui observe attentivement à travers ses jumelles quelque chose de lointain qu' elle ne perçoit pas efficacement à l' oeil nu, surtout lorsque qu' elle recherche le détail, la profondeur...
C' était une lecture forte à bien des égards. D' abord par l' aventure insensée que l' auteur a entrepris pour ouvrir les yeux à ses contemporains et aux générations futures. C' est intéressant de s' interroger sur ses motivations, il a fait preuve de bravoure et d' un tel humanisme...
Dans sa démarche socio-anthropologique il a cherché à relever sans complaisances ce qui de part de d' autre de cette barrière - que se créent les esprits par ignorance ou méchanceté à l' état pur- aboutit à un racisme ordinaire. Il a affronté l' espace de quelques semaines tout le poids, le mépris, la solitude du noir, et il ne pouvait le faire qu' en devenant noir lui- même. Je me suis tout de même interrogée sur la véracité de cette expérience car devenir noir en cinq jours m' a paru excessivement peu... mais d' après quelques recherches il semblerait qu' on puisse vraiment s' y fier.

De cette expérience hors du commun, il en tire des observations significatives qui nous poussent nécessairement à la réfléxion sur un sujet si délicat et actuel.
S' être transformé en noir cela a été une véritable aventure, surtout lorsque l' on sillonne dans les années 60 les Etats de Louisianne, de l' Alabama, du Mississippi, de Géorgie connus pour leur racisme séculaire et virulent... J' ai trouvé cet homme admirable dans ce qu' il a tenté d' entreprendre. Pour aller au plus profond de la question, il n' a pas hésité à se déchausser de ses propres préjugés et a adopté une démarche de scientifique pour étudier ces terrains d' observation.
Il est extrêmement critique vis à vis des blancs du sud bien évidemment, qui s' induisent de religion pour asseoir le racisme, et proclamer la race noire comme inévitablement inférieure. Il n' hésite pas non plus à dénoncer l' hypocrisie du blanc qui commerce par intérêt avec le noir. Il dénonce les brimades, les difficultés pour trouver de la nourriture, à boire, pour dormir, pour se reposer quelques instants, l' impossibilité de franchir la porte de certains commerces, restaurants, bars, ou toilettes, simplement sur ce critère si minable qu' est la pigmentation de la peau.

On ne perçoit pourtant pas de vision manichéenne chez lui. Il sait se faire critique des noirs également, car précisément cette expérience le met au carrefour de deux races, de deux mondes qui s' observent en chien de faillance. Il est justement intéressant de voir la situation dans laquelle il se place et les réactions qu' il a recolté ça et la. Noir, il a été assigné à supporter l' indicible par les Blancs. Blanc, il n' a constaté que des regards haineux sur sa personne alors même qu' il ne manisfestait aucunement une quelconque agressivité.

Il explique également que les noirs ont trop souvent une attitude défétiste, qui ne sert pas leur cause. Ils se résignent à cette vie ( ou plutôt cette survie ) que leur impose le blanc, car le seul but est de nourrir les enfants, l' intérêt premier est de trouver quelque chose à donner à table le soir...
Il distingue bien parmi la population noire, ceux qui depuis longtemps ont abandonné tout espoir, ceux qui n' espèrent rien mais rêvent du moins d' une meilleure vie pour leurs enfants, la nouvelle génération qui s' éveille et entend changer l' ordre "naturel" des choses, poussée par les promesses et les discours de guides spirituels comme Martin Luther King, et encore ceux qui sont aussi bêtes que certains blancs : ceux qui sont racistes contre les blancs...

" Les Noirs ne comprennent pas plus les Blancs que ceux-ci ne comprennent les Noirs. J' étais consterné de voir à quel point ce garçon exagérait - et comment en serait- il autrement - les sentiments des Blancs à l' égard des Noirs. Il pensait que tous le détestaient.
La plus désolante conséquence de cette absence de communication est l' accroissement du racisme chez les Noirs, justifié jusqu' à un certain point, mais néanmoins symptôme très grave. Cela ne fait qu' élargir l' abîme que des hommes de bonne volonté s' efforcent déséspérement de combler avec de la compréhension et de la compassion. Cela ne fait que renforcer la cause des racistes blancs. Si le Noir, dont l' émancipation est maintenant proche, s' attaque à un homme à cause de sa blancheur, il commet la même tragique erreur qu' ont commise les racistes blancs.
Et cela se produit sur une échelle plus grande. Trop de ces dirigeants militants prêchent la supériorité des Noirs. Je prie le seigneur que les Noirs ne gâchent pas leur chance de s' élever, de bâtir, grâce à la force acquise dans des souffrances passées,et, surtout, d' être au-dessus de la vengeance. Si une étincelle mettait le feu aux poudres, cela serait la tragédie insensée de l' ignorance contre l' ignorance, de l' injustice contre l' injustice - un massacre qui déchirerait quantité d' êtres humains innocents et de bon vouloir".


J' ai trouvé finalement que ce livre est très util pour aborder le racisme, car il se base sur une expérience, et j' estime que l' expérience vaut plus qu' une panoplie d' études savantes sur le sujet. L' auteur a pu goûter cette sensation étrange et révulsante, celle de savoir que d' autres êtres humains ne nous regardent pas comme tel, nous considèrent comme une sous-race et ne se privent pas de le scander comme étant inscrit dans la nature des choses.
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