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Citations sur L'enfant des eaux (7)

page 204
[...] "Tu passes beaucoup trop de temps avec ces Taylor", ronchonne -t-elle. "Tu devrais rester à la maison et aider ta maman comme une bonne petite fille."
"Je finirai tout mon travail avant de partir. J'ai fait les lits et repassé les draps et les taies d'oreiller et j'ai mis les haricots à tremper."
"Tu n'aimes pas ta maman autant que tu aimes ces Taylor, loin de là." Elle me regarde avec de grands yeux douloureux. "Je sais bien que tu ne m'aimes pas. Tu penses que ces gens valent mieux que nous."
"Maman, ne sois pas comme ça."
"Je te connais. Tu t'installes là-bas avec cette Frog Taylor et vous parlez de moi." Elle se tient devant moi, mains ouvertes et ballantes. Une de ses incisives commence à noircir et les autres sont tachées par le tabac à priser. Elle prend la boîte de conserve qui lui sert de crachoir et crache. "Je sais que tu as honte de moi."
Une grande peine commence à m'envahir, elle forme un nœud au creux de mon ventre qui se serre de plus en plus. Je murmure : "Je n'ai jamais dit ça."
"Tu crois que personne sait ce que tu as dans la tête, mais moi je sais. Tu penses que ta maman est vulgaire et que tu aimerais mieux avoir quelqu'un comme Frog Taylor pour mère, Frog Taylor avec son gros derrière gras, c'est ça que tu veux. Moi qui t'aime tant, voilà comment que tu me traites. Va là-bas. Je ne peux t'en empêcher."
"Maman, s'il te plaît, ne sois pas comme ça."
"Vas-y, que je t'ai dit." Ses yeux s'emplissent de larmes. Sa lèvre tremble. La peine en moi grandit, me brûle. Tout mon corps me fait mal. [...]
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p.40
Qui pis est, Nora s'obstinait à me demander si j'aimais mon petit frère, puis hochait la tête affirmativement comme si elle répondait pour moi tout en me lançant un sourire douceâtre.
Je le détestais. Je l'observais dans son berceau avec son visage ridé et ses cheveux en sueur. Je lui en voulais à mort ; tout ce que je savais c'est que je le haïssais de toutes mes forces. Sans-doute ne comprenais-je pas clairement ce que je ressentais, mais l'écho de ma fureur cascade tout au long de ces années et m'emplit en ce moment même. Je regardais son menton en forme de bulle et ses oreilles chiffonnées. Je méprisais le caillot de sang dans son nombril et l'odeur putride de ses couches. Mais plus que tout je détestais le voir se blottir contre le sein de Maman, voir sa bouche s'activer sur son mamelon. Ça me remplissait de rage et la rage me rendait silencieuse ; je peux peine respirer aujourd'hui encore, alors que je ne fais que me souvenir. Peut-être était-ce parce qu'il avait le ventre plein et que le mien était presque toujours vide.
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p.115
Quand il me racontait l'histoire d'une bande-dessinée, il entrait dans une espèce de transe. Je tournais les pages et il me racontait l'histoire de chaque dessin, page après page, à mesure que je les montrais du doigt, parfois en une phrase et parfois en un récit miniature. Il décrivait tous les objets sur les dessins et leur trouvai une explication. Il passait vite d'un dessin l'autre.
"Ça c'est toi", me disait-il quand j'indiquais la jolie brune. "C'est toi quand tu es devenue grande et que tu rencontres Batman."
"Mais je ne veux pas rencontrer Batman."
"Mais si. C'est un super-héros. Un type vraiment chouette. "
"Je m'en fous. Il me flanquerait la frousse. Toi, t'as envie de le rencontrer, pas moi."
Mon indifférence à Batman lui déplaisait, mais il a décidé de l'ignorer. "En tout cas, ça c'est toi. Et tu es avec Batman et l doit te sauver du méchant type, la Perle Jaune." Nous avions entendu parler la radio du péril jaune et le méchant dans cette bande-dessinée était vêtu de jaune.
"Qu'est-ce qu'il va me faire ?"
"Il va te faire ça, et après il te battra", a décidé Robbie. "Mais Batman va pas le laisser faire."
"S'il le laisse faire, ça sera affreux."
"Mais il le laissera pas, il aime pas que des mauvaises choses arrivent, seulement des bonnes. Après, il te sauve, tiens, regarde. Tu te balances avec lui sur la corde ultra-solide qu'il a dans sa ceinture. Avec des crochets. Tu vois ?"
"Dépêche-toi d'arriver à la fin. Je suis fatiguée."
"On peut rien sauter."
"Saute les détails."
Il ne perdait jamais patience."D'accord. Bon, tu t'élances avec lui sur la corde jusqu'à l'endroit où il a caché sa moto et il a même un casque pour toi. Puis vous revenez chez vous sur les longues routes, seulement la Perle Jaune veut toujours te retrouver et te faire du mal."
"Mais il peut pas."
"Non, Batman te protège."
"Il peut pas me protéger. Je me protège moi-même. Parce que j'ai ma propre maison et j'ai un travail."
"Pas dans cette B.D."
"Ça fait rien. Je les ai quand-même."


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p.160
Pendant que nous attendions toutes les deux le sommeil, ses paroles continuaient à courir dans ma tête, fil conducteur qui traversait tous mes rêves. Paulie, disait-elle, approche-toi de mon lit. Tu peux dormir avec moi. Glisse-toi sous les couvertures, tu veux bien, chérie ? Nous allons manger du foie de volaille haché. J'ai tué trois poulets pour la salade au poulet du dîner de Pâques, il y a trois foies. Nous pourrons faire cuire du riz jusqu'à ce qu'il devienne collant. Tu pourras le racler dans la marmite avec ta cuiller et je mangerai le mien comme je l'aime, dans une soucoupe. J'ai envie de manger mon poulet au bord du ruisseau. Paulie, nous pourrons aller là-bas ensemble. Il y a un endroit où l'on peut pendre ses pieds dans l'eau. J'emmenerai mes enfants là-bas un matin. J'aimerais les noyer tous. Tu ne savais pas que j'ai des enfants, eh bien, oui, j'en ai. J'en ai huit qui ont vécu et quatre qui sont morts, et je suis éreintée. Aujourd'hui je ne peux plus faire la chasse aux papillons. Aujourd'hui je ne peux plus courir après les libellules. Asseyons-nous au frais près du ruisseau. Ce que nous avons fait, Mamie Rose et moi ; nous nous sommes assises au bord du ruisseau qui coulait dans son esprit, et je me rendais compte que j'étais pour elle Paulie, que cette vieille femme avec moi dans la chambre était Mamie Rose, dans son rêve ou dans le mien. En ce jour d'été, nous étions assises à l'ombre au bord de la rivière et nous avions les pieds dans l'eau fraîche ; j'avais peur que quelque chose ne soit caché sous l'eau, prêt à me mordre les pieds, et soudain je ne pouvais plus respirer. La voix de Mamie Rose continuait mettre des mots dans ma tête, Paulie, bouge pas, si tu restes bien tranquille les poissons s'approcheront et t'embrasseront les orteils. [...]
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p. 175
Papa a retrouvé son calme quand Maman a disparu et la paix est revenue dans la pièce pour un moment. Je pelais des pommes de terre en imagination. J'avais sur les genoux un récipient avec des pommes de terre fraîchement grattées et je les épluchais une à une ; la peau brune se déroulait et pendait jusqu'au plancher, la pomme de terre blanche étincelait dans le saladier. Pour le dîner. Des pommes de terre bouillies. L'odeur emplissait la maison.
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p.152

Ce qui était aussi miraculeux que la broderie au point de croix et le nettoyage de la maison, c'était que Tante Addis se donne la peine de m'apprendre quelque chose. Les adultes ne faisaient guère attention à nous. Tante Addis parlait avec le même ton brusque et les mêmes mots durs que Maman et Papa. Mais derrière tout ça il y avait autre chose, une partie d'elle qui m'observait comme si j'étais une tendre pousse sortie de terre au printemps.
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Les souvenirs se mélangent à la façon de chambres dans une maison où je vais de l'une à l'autre. Dans une chambre Oncle Cope se tient au-dessus de moi sur ses béquilles pendant que j'essuie la bouche de Joe Robbie avec la serviette et dans une autre je nettoie le derrière de mon propre bébé pendant qu'Oncle Cope est étendu sur le divan, endormi comme une masse, ronflant par instants. Dans une autre chambre encore de ma mémoire apparaît l'image d'Oncle Cope, debout sans ses béquilles, à côté de Villa Ray Crawford, qu'il fréquentait quand il avait encore deux bonnes jambes.
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