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Critique de kielosa



Dalia Grinkeviciute (1927-1987) de Lituanie a connu un sort peu enviable pour employer un euphémisme.

Le 14 juin 1941, la petite Dalia de 14 ans est brutalement arrêtée par le NKVD (le précurseur du KGB) et envoyée avec sa mère Pranè et son frère Juozas à l'île de Trofimovsk à l'embouchure de la rivière Lena dans le cercle polaire de Sibérie.
Le voyage de Kaunas, l'ex-capitale de la Lituanie, à Trofimovsk par train dans des wagons à bestiaux, a duré 14 mois. Les Lituaniens qui ont survécu à ce voyage éprouvant ont à leur arrivée pu construire un camp improvisé et cela par des températures de moins 50 degrés.

Sur la base du Pacte germano-soviétique du 23 août 1939 la Lituanie se trouvait dans la zone d'influence russe et Staline, à son habitude, n'a pas tardé à nettoyer l'endroit de tout individu susceptible de suspicion. le père de la petite Dalia fût comme intellectuel expédié dans un camp de travail soviétique, où il est mort en 1943.

Le petit père des peuples (surnom de l'horrible Staline) a ainsi déporté 132.000 Lituaniens au Goulag sibérien.
Le consul du Japon à Kaunas, Sugihara Chiune, a été tellement écoeuré de ce "transfert" humain terrible qu'il a accordé à plein bras des visas à ces malheureux déplacés. Sa veuve, Yukiko Sugihara, a commémoré l'héroïsme de son mari dans "Visa pour 6000 vies", paru en Français en 2002.

En 1948, au bout de 6 ans dans cette île de rêve, Dalia fût autorisée à aller suivre un apprentissage à Iakoutsk, toujours en Sibérie, mais un brin plus civilisé tout de même.
Pranè, sa mère, gravement malade sait que ses jours sont comptés et désire voir sa terre natale avant de mourir. En février 1949, mère et fille retournent illégalement en Lituanie et sont obligées de se cacher.

C'est pendant cette période de clandestinité que la jeune dame de 22 ans a écrit son journal particulier, allant de sa prime enfance jusqu'aux années 1942-43, qu'elle a caché sous terre dans un weckpot dans le jardin de leur maison à Kaunas.

Suivant le décès de sa mère en mai 1950, le KGB arrêta Dalia Grinkeviciute à nouveau et la réexpédie en Sibérie pour manque de volonté de "coopération" avec l'occupant russe, qui s'y est installé durant un demi-siècle.

En 1954, Dalia fût libérée du Goulag et a commencé des études de médecine à Omsk qu'elle a finalisé à l'université de Kaunas, après son retour en 1957.
Elle est devenue médecin en 1960, à 33 ans et a travaillé 14 ans à l'hôpital provincial de Laukuva, à 250 kilomètres de la capitale.

Mais les problèmes de notre Dalia n'étaient pas finis pour autant. Comme elle soignait un peu trop les anciens déportés au goût du KGB, cet organisme humanitaire, s'est débrouillé pour qu'elle perde son poste en 1974.

Ne trouvant plus son journal enterré, elle s'est alors mise à le réécrire de mémoire, bien qu'en forme plus condensée et il a été distribué en samizdat.

Vivant chez une amie, elle est morte d'un cancer en 1987, à 60 ans et après que sa demande d'émigration vers la France ait été refusée.

En 1991, c-à-d 1 an après l'indépendance de la Lituanie et 4 ans après la mort de l'auteure, le manuscrit fût découvert par pure coïncidence et les 2 textes furent publiés en langue originale en 1997 sous le titre 'Des Lituaniens à la mer de Laptev'. Cette mer se trouve en bordière de l'océan Arctique.

Basé sur les 229 feuilles volantes, remplies au crayon et encre par Dalia, l'ouvrage présenté ici trace l'horreur de sa jeunesse volée et sa vie compromise pour des raisons politiques qui frisent l'absurdité à l'état pur.

Le style dépeint le climat de l'enfer en termes simples, qui n'a pas évidemment la qualité littéraire des "Rėcits de la Kolyma" de Varlam Chalamov, mais est d'une authenticité remarquable et émouvante.

Des historiens ont comparé ce témoignage à celui d'Anne Frank et le manuscrit se trouve actuellement au musée national de la Lituanie à Vilnius et est enseigné au cycle secondaire dans toutes les écoles du pays.
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