Amsterdam, 18 août 2021, la nuit : Lola Lafon a rendez-vous avec Anne Frank dans le musée qui porte son nom. Invitée par la collection « Ma nuit au musée », l'écrivaine n'a pas hésité : ce musée du vide et de l'absence s'est imposé à elle comme une évidence, lui renvoyant la disparition des siens décimés par la Shoah, un lourd héritage qu'elle avait jusque-là occulté.
L'autrice de Chavirer s'est intéressée à Anne Frank pour ce qu'elle représente : une icône adolescente, aussi aimée que haïe par la grâce d'un journal traduit dans 75 langues dont les diverses éditions ont lissé le propos pour le rendre universel.
Partie à la rencontre d'un texte dont elle disait ne se souvenir qu'à peine, comme beaucoup d'entre nous, Lola Lafon découvre un récit bouleversant de maturité qu'elle n'hésite pas à qualifier d'oeuvre littéraire et qu'elle parvient à nous faire désormais entendre autrement.
Entretien avec Lola Lafon (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/lola-lafon/) animé par Chloë Cambreling (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/chloe-cambreling/)et enregistré en public en mai 2023, au Mucem, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !.
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À lire
Lola Lafon, Quand tu écouteras cette chanson, coll. « Ma nuit au musée », Stock, 2022 (prix Décembre 2022, prix Les Inrockuptibles 2022).
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Montage : Arthur James
Voix : Benoît Paqueteau
Photo : Nicolas Serve
Un podcast produit par Des livres comme des idées (http://deslivrescommedesidees.com/).
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La 8e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/) aura lieu à Marseille du 22 au 26 mai 2024.
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Ne me juge pas mal, mais considère-moi plutôt comme quelqu'un qui de temps en temps a le coeur trop lourd.
Un être peut se sentir seul, malgré l'amour des autres, s'il n'est le "préféré" de personne.
Pour tous ceux qui ont peur, qui sont solitaires ou malheureux, le meilleur remède est à coup sûr de sortir, d'aller quelque part où l'on sera entièrement seul, seul avec le ciel, la nature et Dieu. Car alors seulement, et uniquement alors, on sent que tout est comme il doit être et que Dieu veut voir les hommes heureux dans la nature simple, mais belle.
Je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien. Je veux être utile ou agréable aux gens qui vivent autour de moi et qui ne me connaissent pourtant pas, je veux continuer à vivre, même après ma mort ! Et c'est pourquoi je suis si reconnaissante à Dieu de m'avoir donné à la naissance une possibilité de me développer et d'écrire, et donc d'exprimer tout ce qu'il y a en moi ! En écrivant je peux tout consigner, mes pensées, mes idéaux et les fruits de mon imagination.
Moi, je veux continuer à vivre, même après ma mort.
on ne connaît vraiment les gens qu’après avoir eu une bonne dispute avec eux, alors seulement on peut juger le leur caractère !
Je ne suis pas riche en argent ou en biens matériels, je ne suis pas jolie, pas intelligente, pas fine, mais je suis heureuse et je le resterai ! J'ai une nature heureuse, j'aime les gens, je ne suis pas méfiante et je veux les voir tous heureux avec moi.
Qui a courage et confiance ne se laissera jamais sombrer dans la détresse.

samedi 20 juin 1942 – Il y a plusieurs jours que je n'ai pas écrit ; il me fallait réfléchir une fois pour toute à ce que signifie un Journal. C'est pour moi une sensation bien singulière que d'exprimer mes pensées, non seulement parce que je n'ai jamais écrit encore, mais parce qu'il me semble que, plus tard, ni moi, ni qui que ce soit d'autre ne s'intéresserait aux confidences d'une écolière de treize ans. Enfin, cela n'a aucune importance. J'ai envie d'écrire, et bien plus encore de sonder mon cœur à propos de toutes sortes de choses. « Le papier est plus patient que les hommes. » Ce dicton me traversa l'esprit alors qu'un jour de légère mélancolie je m'ennuyais à cent sous de l'heure, la tête appuyée sur les mains, trop cafardeuse pour me décider à sortir ou à rester chez moi. Oui, en effet, le papier est patient, et, comme je présume que personne ne se souciera de ce cahier cartonné dignement intitulé Journal, je n'ai aucune intention de jamais le faire lire, à moins que je ne rencontre dans ma vie l'Ami ou l'Amie à qui le montrer.
Me revoilà arrivée au point de départ, à l'idée de commencer ce Journal : je n'ai pas d'amie. (…)
C'est la raison d'être de ce Journal. Afin de mieux évoquer l'image que je me fais d'une amie longuement attendue, je ne veux pas me limiter à de simples faits, comme le font tant d'autres, mais je désire que ce Journal personnifie l'amie. Et cette amie s'appellera Kitty.
Het Achterhuis
32 – [Le Livre de poche n° 287, 1950, p. 15]
Laissez-moi tranquille ! Laissez-moi enfin dormir une nuit sans tremper mon oreiller de larmes, sans que les yeux me brûlent et sans que la migraine me martèle la tête ! Laissez-moi disparaitre de tout . Loin de ce monde..