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Critique de milan


Attention! Chef d'oeuvre absolu en vue! Et je pèse mes mots. A quel point? depuis cette lecture, le regard que je pose sur le livre -l'objet livre- est plein de respect. Quand je le déplace d'une étagère à l'autre, c'est comme si je tenais les tables de Moïse.Il n y a pas de mots pour rendre justice à l'oeuvre de Grossman. Vous voyez ces quiz qui vous demandent quels livres emmèneriez vous sur une île perdue? et bien comme tout le monde, j'ai répondu il y a dix ans à ce petit jeu, et depuis, malgré toutes mes lectures et découvertes, je me suis jurée de rester fidèle et de ne jamais changer cette liste...jusqu'à Vie et Destin. Vie et Destin est le second tome de l'histoire de la bataille de Stalingrad.J'avais lu la première partie; Pour une Cause Juste et déjà j'étais époustouflée. C'est l'histoire d'une famille, de leurs amis, collègues et voisins durant les premiers jours de la bataille de Stalingrad. J'avais lu cette première partie en 2016 je crois, et j'ai mis du temps à trouver Vie et Destin...jusqu'à ces dernières semaines. Trois années après donc, je commence Vie et Destin en me souvenant très vaguement des protagonistes de pour une Juste Cause et des détails de leurs destins, mais je me souvenais déjà, de l'effet incroyable de ce livre. Je me souvenais ne pas avoir été dérangée par la multitude de personnages secondaires, des détails militaires ultra-techniques, des plans de batailles...etc. J'entame donc cette deuxième partie, avec quelques appréhensions. Première chose à savoir pour bien comprendre le grandiose de l'oeuvre de Grossmann, c'est l'histoire de Grossmann justement et celle de ce livre. Dans la première partie, c'est son expérience de soldat- journaliste qu'il décrit superbement. Il est patriote à l'extrême, et rapporte l'héroïsme de ses compatriotes, leurs courages moraux et physique devant l'agression nazi, et il est admiratif de ce peuple vaillant qui , non seulement tient tête, seul, à l'offensive allemande, mais est également à l'origine d'une idéologie qui est seule capable de contrer le nazisme, de ramener l'égalité et la dignité à l'humanité: le communisme. Grossmann en était convaincu. La deuxième guerre s'achève, les nazis sont vaincus....et le communisme entame son expansion. Et quelle expansion! Grossmann découvre, comme le monde entier ce que devient le communisme et ce qu'il inflige au peuple russe.Et cette découverte est la raison d'être de Vie et Destin. Grossmann y raconte le siège de Stalingrad, mais avec un oeil nouveaux: les russes assiégés sont toujours aussi vaillants et courageux, leur vie dans cet état de guerre suit son cours malgré tout, on travaille comme on peut, on étudie comme on peut, on s'aime comme on peut, on survit comme on peut et on meurt parfois.Mais le ver est déjà dans la pomme. le système atroce à venir est déjà en marche et en on voit les prémices: l'antisémitisme, la surveillance permanente et son lot de délations, l'absolutisme idéologique qui se mêle de tous les aspects de la vie; même de la personne qu'on doit aimer. Chaque russe a, de près ou de loin, été déjà, depuis l'époque de la collectivisation, touché par la bête. Nul n'est à l'abri, et tous doivent vivre avec ce monstre qui dévoile tour à tour le courage des uns, la lâcheté des autres, la résignation de certains et l'aveuglement de quelques uns...jusqu'à ce que leur tour vienne....car, oui, nul n'est à l'abri. le propos de Grossmann est sa déception ( et il y a de quoi) face à ce qui résulte de la bataille de Stalingrad. Cette bataille était le symbole de la lutte contre le mal absolu, elle était l'obstacle, le barrage ultime face à ce que l'humanité a engendré de pire, le grand sauveur de l'humanité. Sauf que cette victoire a nourri une bête, a donné une légitimité à la bête miroir. le communisme qui était l'étendard, le moteur de cette bataille contre le nazisme n'était que son reflet, utilisant les mêmes rouages, pour aboutir aux mêmes finalités: l'annihilation de l'humanité. Grossmann ne juge absolument aucun personnage ni aucun de leurs comportements. Leur psyché et ses mécanismes sont déroulés minutieusement sur de longues pages fabuleuses et douloureuses....et que dire de sa description des camps d'extermination!!!!! On a vu des dizaines et des dizaines de reportages et d'images des camps et des horreurs nazis. Mais aucune, en ce qui me concerne, n'ont égalé les mots de Grossmann, quand il décrit les réunions de travail des bâtisseurs des camps, quand il nous emmène dans des villages où les uns ont massacré les autres...parcequ'on leur a donné l'ordre....quand il nous entraîne avec un enfant et une femme, tout au long de leur "voyage" en train, vers les camps, vers les chambres, vers les douches, vers" La" chambre , leurs incrédulités, leurs espoirs, leurs lentes marches stupéfaites et résignées...leurs morts.Pour la première fois de ma vie, j'ai dû fermer brusquement le livre, comme on se couvre les yeux devant un film d'horreur, l'excitation en moins. J'ai mis plusieurs jours avant de reprendre la lecture. Il y a encore tant et tant à dire sur ce livre, notamment l'histoire de la saisie du manuscrit, de sa réapparition vers les années 80 je crois. Mais j'invite vivement à le lire, car aucun mot n'en sera à la hauteur.
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