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Critique de Leo38000


Vassili Grossman, reporter de guerre, a couvert au plus près la bataille de Stalingrad.

Il a cru à l'avènement de l'homme communiste puis a déchanté devant la réalité du régime, et face aux sévisses qu'il a eu à subir en tant que démocrate, en tant qu'intellectuel et aussi en tant que juif.

« Vie et destin » nous raconte l'épopée des soviétiques, certains sortis des geôles de Staline spécialement pour aller au front, contre l'envahisseur allemand en juin 1941.
L'amour de leur patrie et la foi dans leur idéal les a portés et leur a permis d'affronter les épreuves les plus cruelles.

Mais « Vie et destin » n'est pas un journal du front.
VG nous emmène dans la cabane en rondins d'un camp de la Kolyma en Sibérie, dans un camp de concentration en Allemagne ou dans un camp d'extermination en Pologne.

Il nous plonge dans les rangs des détenus qui vont du wagon dont ils viennent de descendre, aux portes du camp pour la sélection.

Nous sommes avec le membre d'un Sunderkommando qui nettoie la chambre à gaz entre deux exécutions.

Nous sommes avec le kapo cynique, avec le voisin de châlit, avec le « camarade » ou l'ancienne connaissance d'un détenu.

Nous sommes avec les juifs, hommes, femmes, enfants et nourrissons, dans la chambre à gaz ; jusqu'à la toute fin du supplice, après que la porte s'est refermée.

Nous sommes avec Krymov dans le bureau de la Loubianka où il est interrogé des jours durant, maintenu éveillé et en vie grâce à des piqûres « puisque la médecine nous y autorise ».

Nous sommes dans l'équipe du laboratoire qui félicite Strum pour la qualité de son travail de chercheur, avant de se détourner de lui et de l'oublier parce qu'il ne serait plus vraiment dans la ligne du Parti. Jusqu'au jour où « qui vous savez » l'appellera personnellement au téléphone pour lui dire combien ses découvertes sont importantes pour la patrie et le socialisme.

C'est au coeur des rouages de tous les systèmes totalitaires que nous sommes immergés. Là où il serait plus simple de mourir que de survivre. Là où se jouent et se dénouent toutes les lâchetés et les trahisons qui permettent au système de fonctionner malgré les volontés parfois contraires de ses agents les plus zélés ou de ses adversaires les plus farouches.

Le destin nous prend par la main et nous guide sur un chemin que nous n'avions pas imaginé. Mais l'homme qui vit vraiment sa vie refuse toujours de suivre une voie qui n'est pas là sienne.

La bataille de Stalingrad a été particulièrement terrible. Militaires et civiles ont défendu la ville, et au-delà d'elle leur pays, avec d'autant plus d'ardeur et de courage qu'ils ont reconnu dans le souffle qui animait Stalingrad assaillie, dans les relations que les gens nouaient entre eux, dans leur altruisme et leur générosité, l'esprit et les valeurs de la révolution d'octobre.

Cette grande guerre patriotique était l'occasion de reprendre le relais de ceux de 1917, de renouer avec les valeurs de ce temps-là et de reprendre et parachever enfin, le travail entrepris alors.
La liberté qui était l'objectif premier de la guerre en était aussi, à Stalingrad, l'arme la plus efficace. On sait ce qu'il en a été par la suite.

Toutes les histoires, qu'elles soient dramatiques ou au contraire très gaies, histoires de guerre ou histoires d'amour, sont racontées sans emphase, avec des images simples et proches de nous, qui nous touchent et qu'on comprend immédiatement.

Chaque fois que je lis un auteur « russe » (VG était ukrainien) je regrette de ne pas connaître davantage les cultures soviétique et russe.
Avec cette géographie immense, ces hommes et ces femmes d'horizons divers et variés, aux noms de conte de fées, et dont les diminutifs affectueux sont plus longs que les prénoms eux-mêmes, et avec cette histoire terrible et glorieuse, ces rêves qui virent aux cauchemars.

Les peuples soviétiques ont payé le prix fort, avant, pendant et après la seconde guerre mondiale, peut-être et hélas pourrait on presque dire, plus pour notre liberté que pour la leur.
C'est une chose que, me semble t il, personne ne devrait oublier. En hommage à Grossman et à ses semblables, célèbres ou anonymes, grands savants ou petits paysans, employées de bureau ou poétesses géniales, militaires zélés ou ouvrières rebelles, qui ont eu des rêves aux dimensions de l'univers, mais que la vie n'a pas su exaucés.
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