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Critique de Zoeprendlaplume


Je découvre cette écrivaine avec ce journal intime.
Je connais la Dame de nom, une grande figure du militantisme féministe à qui je pense nos générations doivent beaucoup. Mais je n'avais encore jamais lu ses écrits.

Je me suis dit que commencer par quelque chose d'intime était une idée plutôt bonne, pour découvrir la femme derrière la figure.
Et j'ai aimé ce texte, établi par sa fille Blandine. Il s'agit du journal intime de Benoîte, relatant les périodes estivales de sa vie en Irlande avec son mari. Ce texte est paru de manière posthume, et pourtant je l'ai trouvé plein de vie, vibrant.

On est, par le dispositif du journal, dans les pensées intimes de celle qui les retranscrit sur le papier, sans filtre. J'aime cette absence de médiateur entre le personnage et l'écrivain, qui est là aussi le narrateur. Quelque chose d'intime se crée entre le lecteur et la personne qui se livre; comme une impression de rentrer dans quelque chose de secret.
On lit ici le quotidien d'un couple : quotidien très basique, entre les lessives, les parties de pêche, les visites des uns et des autres… Hormis des noms connus, c'est une vie banale qui est relatée ici, dans son quotidien finalement assez plon plon qui ne fait pas rêver. Mais j'aime beaucoup ça : on ne peut pas toujours écrire du romanesque waouh qui fait chavirer le coeur ! Et j'ai aimé l'ambiance irlandaise, et la tendance "carnet de bord" du texte, qui relate les prises de pêche, dans tous ses détails les plus techniques.

J'ai pourtant trouvé le texte touchant, et ce à plusieurs titres :
- le triangle amoureux entre Benoîte, son mari et son amant américain, Kurt. Il y a quelque chose de rude qui se dit ici : son amour platonique avec son mari qu'elle voit vieillir jour après jour, comparé à la fougue de son amant qui lui redonne un peu de jeunesse perdue. Parfois, le regard et les propos de Benoîte peuvent sembler manquer cruellement d'empathie, mais il y a une justesse et une honnêteté dans le propos qui m'ont parlé. Il est question ici d'amour, mais pas romanesque ni mis en scène, et je l'ai trouvé beau cet amour, qu'il soit fougueux ou casanier avec son mari, à qui elle est finalement très attachée. L'amour dans ce texte porte les traits de Protée, et Benoîte démontre qu'il y a mille et une façons d'aimer, et aucune meilleure que l'autre.

- J'ai adoré son ton sarcastique et entier sur ses visiteurs. La Dame ne met pas toujours les formes… et c'est jouissif parfois ! Après tout, c'est un journal intime… ! Mais tout le monde en prend pour son grade, son mari, ses enfants, les amis… (elle un peu moins en revanche !). Alors oui, j'ai trouvé ça touchant aussi, car il y a là encore une parole vraie, qui sort du coeur, sans filtre. Un petit air de liberté de pensée, et fuck la diplomatie et la bien pensance.

- D'autre part, c'est un texte qui parle de vieillesse, et pas seulement celle des autres, mais celle de Benoîte aussi. Il y a une amertume fort présente dans ce journal, une sorte de regret face au temps perdu et au temps qui passe. Là non plus, nul tabou.

- Et enfin, c'est un texte sensuel. Benoîte Groult évoque son intimité, ses plaisirs avec son amant, ses ressentis… Il y a une liberté dans le propos qui démontre une réelle harmonie entre l'esprit et le corps, parfaitement assumée, et une liberté corporelle. Qui pour le coup, m'a remplie d'amertume à mon tour, car cette liberté harmonieuse, je ne l'ai jamais ressentie. Alors, la lecture de ce texte vibrant m'a permis de vivre quelque chose de Beau, l'espace de quelques pages.

C'est donc une lecture que je recommande, et que je referai volontiers, à l'occasion. Pour ma petite dose de liberté, sur tous les plans.
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