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Critique de moustafette


En 1985, exit les erzats brejnéviens, Gorbatchev arrive au pouvoir et la Péristroïka en est à ses premiers balbutiements.
Anatoli Pavlovitch Sukhanov ne s'en émeut pas plus que ça, sûr qu'il est de son assise sociale et de son appartenance à la classe des apparatchiks. Une vie de privilégié depuis les années soixante, père de deux grands enfants prometteurs, marié à la encore très belle Nina, fille du peintre Malinin qui siège à l'Académie des beaux-arts et vante depuis 1947 la gloire de la Patrie et du régime, grand appartement, voiture avec chauffeur, et directeur de la revue d'art la plus influente du pays, à savoir L'Art du Monde (merci beau-papa pour le poste).
Bref, tout va bien dans le meilleur des mondes soviétiques...

Mais au soir de l'anniversaire de son beau-père, fêté en grande pompe avec, pas moins, discours du ministre de la Culture en personne, Sukhanov va glisser, d'abord imperceptiblement, dans une drôle de faille spatio-temporelle qui l'entraînera sur les rives de son enfance, puis inéxorablement vers celles de sa jeunesse perdue et de ses engouements artistiques, et inévitablement vers l'âge mûr et ses compromis.
C'est la rencontre avec Lev Belkin, ancien camarade de jeunesse et peintre clandestin comme lui dans les années cinquante, qui mettra le feu aux poudres de l'esprit, jusque là, équilibré de Sukhanov.

De flashback en flashback, nous remontons l'histoire personnelle d'Anatoli tout en suivant parallèlement les soubresauts de l'Histoire de son pays. L'appartement communautaire, la guerre, un père étrangement absent, la terreur des années de purges, les rencontres avec quelques vieux professeurs, le choc artitistique du surréalisme, le dégel des années cinquante, le rêve, enfin proche, de sortir de la clandestinité et de voir sa peinture reconnue... Mais, principe de réalité oblige, le cours de sa vie s'infléchira dans un sens imprévu pour l'amener là où il siège aujourd'hui, et ce depuis vingt-cinq ans. Vingt-cinq ans qui lui auront permis d'ériger un mur de béton entre passé et présent, afin de maintenir à distance certains souvenirs bien dérangeants mais qui reviennent pourtant tel un boomerang.

Et il n'a pas fini de rêver Anatoli !
Sa conscience de l'année 1985 n'en peut plus de s'accrocher à des petits riens qui sont autant de sauts dans le passé. Des allers-retours de plus en plus fréquents qui ne lui permettent plus de distinguer le rêve de la réalité, l'hier et l'aujourd'hui. Il glisse, dérape, tout se délite autour de lui, sa maison, ses enfants, sa femme, son boulot, et même son passé qui n'est peut-être pas tout à fait celui qu'il croit.
Comme nous, lecteurs, qui croyons entrer dans un livre austère, témoin d'un monde froid et révolu, nous nous retrouvons à composer une toile, à mélanger des couleurs, des sensations, passons du tragique au comique, et baignons dans un surréalisme délicieusement orchestré par la plume de l'auteur, croisant au passage les palettes de Dali, Chagall et Kandinsky, égarés avec nous dans le Moscou aussi bien somptueux du pouvoir que celui crasseux des vieux quartiers.

Alors, Anatoli Pavlovitch Sukhanov sombre-t-il dans la folie ou tout simplement vers sa vraie vie ?
Il vous faudra tourner les pages et vous laissez séduire par ce livre pour le savoir...


Lien : http://moustafette.canalblog..
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