Le montre religieux
Dans l'Occident chrétien, la représentation de monstres hideux aura souvent permis de stigmatiser le fonctionnement de l'Eglise catholique et de dénigrer le clergé. ...) Martin Luther utilise la gravure comme une arme de propagande visuelle. Les premiers monstres religieux qui surgissent alors prennent l'apparence de créatures hybrides inspirées de l'iconographie religieuse et de représentations de prodiges. Diffusés sous la forme de feuilles volantes, ces images visent à révéler la véritable nature des représentants de l'Eglise catholique. Mais le procédé est vite retourné par leurs adversaires contre les protestants.
Le monstre politique
Très fréquent, le recours au monstrueux dans l'imagerie satirique et la caricature permet de dénoncer les agissements et la véritable nature du pouvoir politique, mais aussi d'incarner des idéologies jugée dangereuses.
Les monstres politiques apparaissent au XVI e siècle, dans un contexte troublé par les guerres de Religion et les conflits monarchiques. Sous la forme d'estampes satiriques, ils traduisent un vif sentiment de contestation à l'encontre des différentes formes de pouvoir.
La Tarasque est un énorme dragon mi-animal mi poisson, plus gros qu'un bœuf et plus long qu'un cheval. (...) La créature aurait vécu sur les berges du Rhône, y terrorisant la population en dévorant les homes et en détruisant les berges et les embarcations. Mais Sainte Marthe réussit à la dompter en l'aspergeant d'eau bénite et en lui montrant la croix. L'ayant soumise, la sainte la livra à la population qui la déchiqueta sur le champ avant de se convertir au christianisme.
Dans la mythologie grecque, la Chimère est un monstre tricéphale cracheur de feu que seul le héros Bellérophon parvint à anéantir.
Par extension, elle prête son nom à toute créature hybride engendrée par l'imagination.
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Franz von Stuck peuple ses toiles de créatures mythiques et fabuleuses. Il fusionne ici la figure du Sphinx démoniaque, ravisseur et carnassier, à celle de la femme tentatrice et luxurieuse, personnage récurrent au XIXe siècle.
Chez les symbolistes belges comme Fernand Khnopff ou Félicien Rops, la femme, beauté mystérieuse, muse et amie, est aussi figure de l'ambiguïté et du vice.
Puissante, maléfique et trompeuse, elle appelle la comparaison avec l'antique sphinge.
Au VIe siècle avant notre ère, les artistes grecs fixent sint apparence la plus commune : une figure féminine et ailée, gardien des tombereaux ou cruel démon funèbre, aussi devrait-on à son propos, comme le font les poètes, écrire plutôt "la" Sphinx.
Un siècle plus tard, le mythe d'Œdipe inspire le motif du monstre soumettant son énigme.
Au Moyen Âge, ses formes hybrides s'adaptent à l'architecture religieuse et il apparaît parfois dans l'enluminure. Des penseurs chrétiens l'intègrent au bestiaire sacré du Christ et y voient l'incarnation du tétramorphe.
À partir de la Renaissance, sa silhouette s'épanouit dans les décors de grotesques. Avec la fin des Lumières et le début de la vague d'égyptomanie, on l'apprécie comme ornement sur les objets et le mobilier ainsi que dans l'art des jardins.
Enfin, les artistes romantiques et symbolistes font revivre le mythe d'Œdipe, la redoutable sphinge devenant une figure de la femme fatale.
Au XXe siècle, cette évocation de la féminité équivoque et destructrice, trouvera de nouveaux prolongements d'une grande liberté plastique et iconographique.
Les représentations de créatures fantastiques et d'êtres vivants dont la conformation s'écarte inhabituellement de celle de leur espèce ont fait leur apparition dès les origines de l'art.
Très vite, les figures de l'étrange et de la monstruosité ont compté un répertoire d'une richesse inépuisable, donnant lieu à de multiples spéculations et se chargeant de toutes sortes de significations.
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