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Critique de tiptop92


Jean-Pierre Gueno - Paroles de poilus : lettres de la Grande Guerre - 1998 : Louis Vanryckeghem à tout juste 18 ans en 1914 quand la Belgique est attaquée par les allemands. Mobilisé parmi les premiers, ce colosse d'1m90 qui se destinait à être instituteur se retrouve mitrailleur dans une unité d'élite flamande. Commence alors quatre années de combats interrompues un temps quand gazé à Ypres il doit garder le lit pendant plusieurs mois. Mais la boucherie à besoin de soldats et dés qu'il retrouve un semblant d'intégrité il est incorporé à nouveau. La somme, Verdun, le chemin des Dames, il est de tous les combats, de tous les massacres protégé par une main invisible qui lui évite les blessures physiques mais sûrement pas la peur, la fatigue et le désespoir. Toutes ces années de jeunesse gachées par un nationalisme exacerbé qui ont vu des peuples entiers s'entre-tuer pour quelques mètres de terrain ont hanté sa vie à tout jamais. A force de bouffer de la terre dans les tranchés, il est devenu paysan, abandonnant ses rêves d'enseignant dégoutté par un système d'endoctrinement éducatif qui a formé des générations d'enfants à marcher docilement à l'abattoir. Cet homme c'était mon grand-père maternel, mon pépé. Il est décédé alors que moi même je prenais l'uniforme pour servir mon pays dans des circonstances moins tragiques (que sont nos guerres à coté de la leur ?). de lui il me reste des souvenirs d'adolescence, les récits de combat à coup de pelles, de baïonnettes, le marmitage, la boue, les poux. Mon aïeul, n'était pas de ceux qui gardaient le silence, au contraire, je ne crois pas l'avoir jamais entendu parler d'autre chose que de la guerre qu'il trimbalait comme un traumatisme éprouvant. Lui qui n'a jamais voyagé se délectait de raconter ses rencontres avec des peaux rouges, des indous et des africains qui constituaient son seul dépaysement au milieu d'une vie de labeur. Une anecdote continue de me frapper et de m'émouvoir quand je la raconte à mon tour, elle en dit long sur l'état de délabrement physique dans lequel se trouvait ces malheureux : Nous sommes en 1916, Louis est avec son unité dans une salle d'attente de la gare de l'est prêt à repartir au front, un autre régiment Belge vient les rejoindre et évidemment on taille la bavette pour avoir des nouvelles du pays. Au cours de la conversation, il trouve un type du même village et alors qu'ils commencent à parler de connaissances communes, il se rend compte que cet homme est son frère qu'il n'a pas vu depuis deux ans, ils ne sont pas reconnus ! Il y a plus de cent ans maintenant sonnait la fin d'une des pires hécatombes de l'histoire de l'humanité. En parlant de Louis, c'est à tous les poilus que je voulais modestement rendre hommage, aux morts et aux quelques survivants. Car certaines des lettres qui sont réunies ici auraient pu être écrites par mon grand-père, elles sont pour la plupart déchirantes et révoltantes. Ce n'est pas le patriotisme ce sentiment de pacotille qui faisait tenir ces hommes mais l'amour pour leurs proches et l'espoir pour beaucoup de les revoir. Il faut lire ces témoignages, s'imprégner des mots de ces soldats  plongés dans un tel chaos qu'il ne leur laissait guère d'illusion sur leur sort. Plus qu'un devoir de mémoire, c'est faire oeuvre d'humanité que de se pencher sur ces missives qui durent bien souvent recevoir les larmes de ceux qui les ont redigées et de celles qui les ont lues... un recueil bouleversant
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