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Critique de Mskate


Mskate
03 décembre 2023
J'ai longtemps hésité avant de lire ce livre, j'avais peur de ne pas supporter le récit des atrocités commises dans les camps et dont certaines m'avaient été un jour décrites par une survivante d'Auschwitz au lycée. J'ai été rassurée sur ce point, ce n'est pas le sujet du livre, il y a eu beaucoup de choses déjà écrites sur ce terrible sujet.

Ce livre décrit la cavale de Mengele et met l'accent sur deux problématique: l'absence totale de repentir de Mengele d'une part, et d'autre part, les complicités dont il a bénéficié et qui lui ont permis d'échapper à la justice des hommes.

Peron et Stroessner en prennent pour leur grade. Peron aurait anticipé l'anéantissement de l'URSS et des Etats-Unis lors d'une 3e guerre mondiale qu'il jugeait imminente, la grande gagnante de cette confrontation inévitable devait être l'Argentine. le livre laisse même entendre que la fondation d'Evita aurait été financée par le trésor de guerre Nazi... ce que je n'avais encore jamais entendu. L'actualité récente (élection de 2023) nous fait réfléchir sur l'héritage d'une telle politique... Ayant été élevée au Brésil, je devais savoir, l'état brésilien était-il impliqué?

Le plus incroyable pour moi, c'est la responsabilité de la RFA. Comment la famille Mengele a-t-elle pu continuer à subvenir à ses besoin jusqu'à sa mort, ça donne le vertige... le pouvoir de l'argent... Au Paraguay, je veux bien, mais en RFA, dans un état démocratique et développé, ça me choque, je dois être trop candide.

Le plus fascinant dans ce livre, c'est la façon dont l'auteur a réussi à se mettre dans la peau de Mengele. Bien sûr, c'est romancé, mais quel exploit d'avoir su recrérer ce qui se passait dans la tête d'un monstre pareil.

On se demande comment cela est possible. Olivier Guez nous raconte l'absence totale de prise de conscience. Comment un homme instruit, brillant universitaire, bien élévé, heureux en amour, a pu basculer dans l'inhumanité la plus totale, au nom de la science et de la grandeur de l'Allemagne. le livre ne donne pas d'explication.

La relation avec son fils est à ce titre le passage le plus dérangeant du livre. Ce jeune homme, totalement lucide et informé des crimes d'Auschwitz, a besoin de comprendre ce père qu'il a le courage d'aller renconter en cachette. Il a veut comprendre comment des atrocités pareilles ont pu avoir lieu. Et pour lui, comme pour nous lecteurs, le pire est qu'il n'aura pas d'explication. Mengele dit qu'il a obéit aux ordres, qu'il a fait progresser la science (ce qui n'est même pas sûr). Et il veut parler d'autre chose avec son fils, sidéré. Il ne conçoit même pas que ses actes nécessitent une explication. Pourquoi, comment en est-il arrivé là, nous ne le saurons jamais.

Une autre partie du livre est consacrée à l'impossibilité pour Mengele de se réintégrer. Il n'a pas compris que la répprobation était générale et que la découverte des atrocités commises au nom du nazisme avait représenté un choc terrible pour la planète entière.

L'humanité avait besoin que Mengele soit jugé, pour comprendre comment un être humain avait pu faire "ça" à d'autres êtres humains, par respect pour les victimes et pour dissuader tout autre candidat. Au delà du procès du nazisme, c'était celui de la science. Cette partie n'est pas vraiment abordée ici, il y a aurait hélas tant à dire sur ce personnage abject.

Que dire de la fin? le plus incroyable est que Mengele ait pu vivre avec tout ça sur la consience, si longtemps, sans même savoir qu'il était une célébrité, qu'il incarnait aux yeux de tant de gens une certaine idée du mal absolu. Oserais-je dire qu'à la fin, il me fait de la peine, vieillard malade et seul au monde? C'est peut-être ce qui fait que je suis différente de Mengele. Je ressentais sa détresse et elle ne me faisait pas plaisir. Cet homme aurais été bien mieux en prison à prendre conscience de ses crimes, plutôt qu'à profiter de l'argent de sa famille pour se cacher et de continuer à vivre dans un monde parallèle, qui heureusement, pour tout autre que lui, a pris fin en 1945.


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