La disparition de Josef Mengele de
Olivier Guez
Rolf Mengele est un jeune homme tourmenté. A chaque fois qu'il se présente, l'accueillent un silence gêné, des regards embarrassés. Mengele, comme... ? Oui, Mengele. Le fils de Satan. Maudit patronyme, sa croix et sa bannière, jamais il n'oubliera sa consternation et son chagrin le jour où il a découvert en lisant les journaux, peu après l'enlèvement d'Eichmann, que l'oncle badin qui lui racontait des histoires de gauchos et d'Indiens à l'hôtel Engel était [en réalité] son père, le médecin tortionnaire d'Auschwitz. Funeste famille : élevé par sa mère, devenu avocat à Freibourg, Rolf fuit le clan de Günzburg. Il méprise le silence des Mengele sur les crimes de son père et leur dédain pour ses victimes. Leur solidarité tribale, leur cupidité, leur lâcheté lui sont odieuses. Rolf se revendique de gauche, en lutte contre le capitalisme et le fascisme, les Mercedes, l'hypocrisie et la conscience tranquille de la bonne société ouest-allemande. Rolf est un enfant contestataire de l'après-guerre, que ses cousins Dieter et Karl-Heinz surnomment 'le communiste'. Un rebelle, mais un rebelle fragile, empêtré dans ses contradictions, torturé par ce père encombrant et venimeux.
(p. 190)
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