Pour les enfants, tout est tellement important, tout a tant de valeur !
Ils connaissent intuitivement la différence entre l'essentiel et l'accessoire, le primordial et le minime, ils regardent ce que nous ne faisons que voir. Ils rient de la mousse dans l'évier, de faire pipi dans l'eau du bain, de jouer avec leurs orteils, de mettre leurs doigts tout gras sur nos verres de lunettes en faisant "Bouh !" quand nous sommes concentrés par notre lecture d'adulte. Et elle nous semble tellement importante cette lecture que nous n'avons pas vu l'oiseau décrire ses cercles dans le ciel qui n'a pas de panneau de signalisation et ne nous sommes pas inquiétés de savoir s'il retrouverait ses petits.
La mousse dans l'évier et le pipi tout chaud qui coule sur nos cuisses dans le bain ne nous amusent plus et il y a longtemps que nos orteils ne servent plus à porter un chips à notre bouche et que nos lunettes ne lisent plus que des factures.
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« Et c’est ainsi que la petite sirène se transforma en
écume… »
La fin de l’histoire est-elle triste ?
Oui, si l’on associe le dénouement à la fracture ou à la mort, la séparation à jamais. L’écume, lugubre, devient alors cris, plaintes, suppliques d’où tentent
désespérément de s’échapper de fiévreux spectres.
Si l’écume reste frivole et roule loin des obsèques aux exhalaisons de soufre, elle n’est alors qu’un frou-frou, une allégresse, une métaphore où l’ensorceleuse sirène devient plaisante et rassurante, pétillante et libre.
Curieux sentiment, au souvenir de mon enfance, où je me revois, heureuse, sautant dans les vagues, fracassant avec bonheur l’écume mourant sur le rivage, sabrant le ressac en riant. Ai-je donc ainsi tué des esprits de sirènes ?
Sans le savoir ? Avec l’étourderie de l’innocence, dans la joie de l’instant ? Aurions-nous si peu de clairvoyance au point de disloquer ainsi, en nos plongées impertinentes, leurs mémoires englouties ?"