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Critique de Subtropiko


Non, non, Jean-Claude Guillebaud ne nous invite pas, à l'approche de Noël, à jouer « le ravi de la crèche », personnage extasié mais un peu simplet, ni à nous réfugier dans une contemplation catastrophée de la beauté menacée (par le tout-technologique, la consommation outrancière, la pollution, etc.). Il plaide pour l'émerveillement, mais sur un mode actif : « Sauver… Changer… Décider… Choisir ».

Ce qui me séduit dans son livre, c'est l'art du paradoxe. Il peut s'enthousiasmer pour les renards ou les oiseaux migrateurs, et avouer qu'il a du mal à souhaiter la disparition de la chasse à courre. Il admire à juste titre ceux qui sont capables d'engager leur vie dans une activité – l'humanitaire, comme Rony Brauman, le grand reportage (dont il a lui-même une longue expérience) comme Florence Aubenas – sans renoncer à critiquer âprement leur propre pratique. Quand, dans son chapitre sur les « belles personnes » (terme galvaudé), il évoque le paradoxe ultime du mal, des camps, de la torture, supposés nous révéler la véritable nature humaine, on ne peut que penser à Tzvetan Todorov, écrivant dans « Face à l'extrême » : « Il est effectivement possible (…) d'obtenir de la part des hommes des réactions purement animales » et s'interrogeant : cette observation signifie-telle que la morale ne serait qu'une convention ? « Ce qu'elle prouve au contraire, conclut Todorov, c'est que les réactions morales sont spontanées et omniprésentes, et qu'il est nécessaire d'employer les moyens les plus violents pour les éradiquer ».

Ce qui m'irrite un peu, en revanche, chez J.- C. Guillebaud comme chez Todorov (tout comme dans l'excellent film "Alice et le maire" vu récemment), c'est la référence obligée à Rousseau, que j'ai étudié en fac et que je ne peux pas souffrir ! (belle plume mais philosophe mythomane, paranoïaque, affligé de la manie de la persécution, auteur d'un « Contrat Social » reposant sur des bases bancales).

Toutes les autres références sont inestimables. J.- C. Guillebaud nous précède sur mille pistes. Il cite avec humilité les essayistes et les scientifiques dont il s'inspire. Aucun pédantisme, pas d'arrogance, un zeste d'humour. On le suit. On se découvre l'envie d'une nouvelle bibliothèque, au fur et à mesure qu'il commente ses lectures, anecdotiques ou fondamentales.

Car j'en suis profondément persuadée : la beauté, la culture ont besoin de « passeurs », de mentors, voire de profs (horreur !) qui la décryptent, qui nous la font partager – et qui, parfois, nous mettent en garde contre ses pièges. Ce livre y pourvoit.

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