Sauver la beauté du monde

Pour ce qui me concerne, c'est souvent en pensant à ces deux confrères que j'essaie de garder un oeil critique sur ce que je fais ou sur ce que j'écris [...] J'ai appris récemment une formule politique encourageante à ce sujet. Raymond Aron aimait la citer. On la doit au philosophe et sociologue espagnol José Ortega y Gasset (1883-1955) : "Etre totalement de gauche ou totalement de droite, c'est accepter d'être hémiplégique."
Je signe des deux mains !

Aujourd'hui, la pire des blessures qu'on afflige à des centaines de millions d'hectares cultivables à travers le monde, c'est le lessivage généralisé (labours profonds, excès de pesticides, engrais en surnombre, agriculture intensive) qui conduit à éliminer tout ce qu'il y a de vivant dans les sols. Dans cette terre morte, bien sûr, la vie tend à disparaître, et les vers de terre sont les premiers à le faire. On y trouve plus la moindre trace de turricules. La raréfaction et la disparition de ces derniers sont un signal alarmant. (288)

"Toute croyance est un pont jeté sur l'abîme du doute." (229)
(Formule lumineuse empruntée à Cornélius Castoriadis)

Bénéficiaire de valeurs qu'elle n'a pas créés, mais dont elle a seulement héritées, la société de marché procède comme un enfant prodigue qui dilapiderait le capital grâce auquel elle peut vivre et durer. Mais ce capital et comme un gisement fossile. Il s'épuise. Quand l'idéologie dominante justifie la cupidité, répudie le concept de bien commun, s'emploie à dissoudre les corps intermédiaires, conspire au recul de l'État, alors elle rompt avec cet héritage et ébranle le socle sur lequel nos démocraties chancelantes tiennent encore debout. (221)

Au fil de mes reportages, j’ai appris que la beauté et la laideur se côtoyaient en permanence. La joie et l’accablement aussi. J’ai réalisé que dans les pires situations, les plus terribles et terrifiantes, des gens ne désarment pas, refusent de flancher. Ils m’ont donné une leçon de dignité, d’espérance de courage et de sang-froid.

Le fracas de la mer qui bouleverse, le cirque de montagne qui efface la mélancolie, la musique d’un rire d’enfant qui réchauffe, le pas d’une femme qui interpelle…
Oui, il faut éduquer à la beauté car la beauté fait lever en nous cette exaltation ravie qui ressemble au bonheur. C’est sur cet émerveillement continuel qu’il faut miser pour sauver la beauté du monde

Le monde ne mourra pas par manque de beauté et de merveilles mais par manque d’émerveillement.

Le nouveau monde se caractérise d'abord par la possibilité nouvelle (pour ne pas dire probabilité) d'un effondrement. La différence, l'ignorance ou l'irresponsabilité — dont Donald Trump est l'archétype — caractérisent en vérité l'ancien monde. (277)

En septembre 2018, une économiste adjurait les décideurs d'abandonner le "délire prométhéen d'une maîtrise infinie du monde". (273)

Qui veut faire fortune rapidement préfère tabler sur les salles de marché et les profils immédiats au lieu d'attendre, comme l'entrepreneur schumpétérien d'avant-hier, un hypothétique retour sur investissement. On appelle cela la financiarisation de l'économie. (222)