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Critique de BurjBabil


Ce géographe est un vraiment enthousiasmant.
J'ai acheté ce livre avec ferveur, tant ses deux derniers m'ont paru pertinents. Loin des plateaux télés destinés à nous rendre débiles, on a affaire ici à une analyse engagée du mouvement historique qui a conduit ici aux gilets jaunes, de l'autre côté de la manche au Brexit, et de M. Trump aux états unis.
Cela commence avec M. Mauroy (pour les plus jeune, un premier ministre de M. Mitterrand) qui remarque qu'« on ne voit plus au Parti socialiste que des jeunes en pleine santé, des femmes belles et dynamiques mais qu'on cherche en vain l'image d'un ouvrier ».
Cet abandon, suivi de Maastricht et de toutes les trahisons ultérieures, signe la naissance d'une nouvelle sociologie, celle des « élites » urbaines et des minorités influentes, qui vont prendre d'assaut les médias et focaliser l'attention des politiques, des intellectuels, des chercheurs. Tous ces prescripteurs d'opinions, qui vivent dans les mêmes lieux, les métropoles, donnent naissance à un nouveau monde, libéré des gens ordinaires, de ceux qu'on désigne comme les ploucs des zones périphériques.
Ces ploucs, on peut aussi les appeler le « panier de déplorables » (Mme Hillary Clinton) les sans-dents (M. qui déjà ?), des rednecks (Les anti-Brexit).
Ces classes populaires semblaient en effet avoir perdu, elles devaient disparaître de la vue des nouveaux maîtres de l'espace, médiatique compris. Captation des richesses, du patrimoine immobilier et des emplois, rien ne semblait pouvoir enrayer une dynamique qui consacrait la victoire économique et culturelle du monde d'en haut, de nos « élites » autoproclamées. C'est la première partie du livre, qui contextualise l'arrivée sur la scène des « populistes », manière insultante de qualifier ce peuple qu'on méprise.
La suite de cet essai est joussive de ce point de vue : pas de tabou chez M. Guilluy, la charge est violente : Il propose des pistes pour déconstruire le « modèle » libéral de nos têtes passées à la lessiveuse des chaînes d'info en continue. Il s'attaque par exemple à la négation de la diversité : Attention, pas la diversité religieuse, raciale ou chromatique qui fait le fonds de commerce des petits néofascistes médiatiques : la vraie diversité, celle mise en évidence lors de la crise du covid mais que la symphonie médiatique autour des vaccins va escamoter pour le plus grand profit de certains : la diversité sociale.
Cette diversité réelle, c'est celle de la cohabitation de manuels, d'intellectuels, d'artistes etc... Cette diversité réelle consacre la nécessité d'avoir des caissières de supermarché, des ouvriers pour fabriquer des biens matériels, des agriculteurs fiers de leurs produits, des infirmières, des aides-soignants, des professeurs, des animateurs sportifs et culturels etc... etc...
En fait, ceux dont on a le moins besoin, ce sont paradoxalement ceux qu'on a tous les jours virtuellement dans les oreilles et en images continues.
Pour Guilluy, la citadelle médiatique est tombée : les « populistes » n'accordent plus aucun crédit aux médias mainstream. Il déconstruit, chiffres à l'appui, toutes les représentations manipulatrices qui nous détournent des vrais enjeux de sociétés : ceux de la redistribution réelle des rôles et des richesses.
Reste donc pour ces ploucs populistes racistes complotistes dont je crois faire partie à mettre en oeuvre la lente transformation économique qui accompagne cette prise de conscience. Les questions sociales et identitaires étant bien évidemment imbriquées, la viabilité de nos sociétés dépendra conjointement de notre prise en compte de l'environnement, de l'évolution de la population mondiale et de ses déplacements. Un beau challenge à relever pour nos jeunes.
C'est le « réglage des horloges » du dernier chapitre de ce livre.
A lire absolument pour mettre des mots sur nos maux, et déconstruire la réalité virtuelle de nos classes dominantes.
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