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Critique de motspourmots


Pour garder un semblant d'espoir quant à l'avenir du monde il faudrait arrêter de présenter les dystopies comme des hypothèses du futur. Ce principe affirmé par le héros du roman, Zamir, vient à la fois éclairer et tempérer les quelques 400 pages que nous venons de lire et leur projection dans un monde alternatif qui fait froid dans le dos. Jusque-là nous pensions être dans un futur où les guerres se seraient accentuées, où notre addiction aux objets connectés nous ferait suivre nos valises augmentées d'une intelligence artificielle. Mais pas tout à fait. La démonstration de l'auteur est assez osée, politiquement engagée et souvent malaisante dans ce qu'elle va chercher de pire chez l'homme. Pour ce faire il nous offre un guide très singulier. Zamir est né à proximité d'un camp de réfugiés à la frontière turco-syrienne, il a à peine eu le temps d'ouvrir les yeux que les éclats d'une bombe lui déchiquètent le visage. Sa mère pensait lui offrir un avenir en l'abandonnant dans le camp, un chirurgien va s'acharner à le garder en vie. Défiguré, son visage meurtri sera l'image publicitaire idéale pour l'ONG qui le recueille, l'élève et en fait son instrument de communication. Mais le destin de Zamir va basculer à l'adolescence lorsqu'il décide de travailler pour la Fondation pour la Première Paix Mondiale dont il devient l'un des plus brillants "présentateurs", des hommes et des femmes chargés de mettre en présence des parties en conflit afin de les régler. Pour arriver à ses fins, tous les moyens sont bons : mensonges, mises en scène, pressions... On se doute qu'au vu des velléités belligérantes dans le monde, les présentateurs ne chôment pas.
Beaucoup de cynisme, pas mal de colère, assez peu d'espoir dans ces pages. L'auteur tire ses ficelles jusqu'au bout avec parfois une outrance qui peut laisser perplexe. Personne ne sort indemne de ce roman, ni les politiques - quel que soit leur bord, ni les ONG présentées comme hypocrites, profiteuses et machiavéliques, surtout pas les états obsédés par leurs territoires.A ce titre l'épisode de la rétention des turcs allemands dans des camps dédiés avant leur expulsion peut mettre le coeur au bord des lèvres même si l'on comprend tout à fait quel cheminement conduit à cet extrême.Comment l'enchaînement de guerres qui a fabriqué notre monde a-t-il commencé et que faudrait-il pour l'arrêter ? La question peut rendre fou et conduire à écrire un roman qui tenterait d'explorer les ressorts psychologiques du pire, seul moyen d'imaginer inverser la tendance. Un roman qui placerait la dystopie dans le passé et le présent afin de laisser place à l'utopie du futur. A condition d'en sortir vivant.

Lecture déstabilisante mais très intéressante.
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