La paille peut-elle arrêter le torrent ?
Ce fut le massacre.
Les derniers chrétiens affamés, à bout de forces, tenant à peine sur leurs jambes, trébuchant sur leurs propres morts et agonisants entassés, faisaient barrage sur les derniers bouts de murs croulants avec ce qui restait, pierres, poutres, chaudrons, ustensiles divers, quelques armes dérisoires qu'ils pouvaient encore à peine soulever alors qu'ils se voyaient sombrer dans la nuit.
- Il faut crever cette poche à venin... le poison n'a que déjà trop infecté le Kyushu, et est en train de remonter vers le Nord... Il faut éradiquer une fois pour toutes cette religion étrangère !
- Vous savez bien Motogawa-sama que cette religion n'a pu proliférer qu'en réponse à la misère et aux taxes, puis aux exactions qui ont suivi. Et si on les tue tous, qui replantera toutes ces terres au printemps ?
Masuda Shiro se sentait gêné pat tous ces regards qui le dévoraient avec avidité et respect.
Il promenait un regard fixe et un sourire timide sur la foule bruyante de fermirs et de paysans, d'hommes et de femmes de tous âges, parfois accompagnés d'enfants, parfois armés, qui s'étaient précipités à sa rencontre dès qu'ils avaient su qu'il avait débarqué sur l'île en compagnie du vieux samouraï infirme Matsuda Shigenobu. Il en venait encore, de partout, en un flot continu, sur fond de prières et de bribes de cantiques chrétiens. Shiro se sentait comme happé par une histoire qui, il ne pouvait plus en douter, était en train de devenir définitivement la sienne.
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- Tendo... Tendo..., c'est le Fils du Ciel..., l'Envoyé !
- Le Messie..., regardez, il a l'air d'un ange...
La foule murmurait, comme extase, puis s'enhardissait et tentait de rétrécir le cercle que les guerriers se Shigenobu avaient du mal à maintenir aurour de Shiro.
Tant d'hommes meurent avant d'avoir su qu'ils ont vécu.
Car ceux qui continuaient à rester fidèles à la religion de Yaso avaient maintenant davantage besoin d'un glaive que d'une croix.