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Critique de YsaM


YsaM
14 novembre 2023
Je découvre ce roman de Claire Hajaj, sorti en 2018, un peu par hasard, et je suis heureuse de ne pas être passée à côté, parce que je l'ai trouvé très intéressant humainement parlant et un peu d'humanité ça fait du bien dans cette période anxiogène et mouvementée.

L'autrice nous embarque dans deux contrées différentes, dans deux cultures, au sein d'un conflit qui semble durer depuis la nuit des temps et qui prend sa source en 1948, quand Ben Gurion déclare la naissance de l'Etat d'Israël.

Salim, 8 ans, vit à Jaffa, dans une maison où poussent des orangers, il a d'ailleurs son propre arbre qu'il protège avec fierté, il a hâte de récolter les oranges mais la guerre éclate et la famille décide de partir se refugier à Nazareth, chez sa soeur ainée. le jeune garçon, très attaché à sa maison, ne comprend pas pourquoi il faut partir et tout abandonner. On lui dit que les juifs les tueront s'ils restent là. Il en veut terriblement à son père de ne pas résister, un père qui ne fait pas vraiment attention à lui et qui prend plaisir à le rabaisser. Il en veut aux juifs qui lui volent sa terre et sa maison. Il découvre petit à petit que son père est un pleutre. Il pourrait se rapprocher de sa mère mais celle-ci les abandonne et part vivre au Liban, emmenant Rafan, leur plus jeune frère. Salim est livré à lui-même et ne pense qu'à sa maison et son arbre dont il n'a pu récolter les fruits. Quelques années plus tard, il rejoint Tareq, son frère ainé en Angleterre afin d'étudier à l'université.

Judith vit en Angleterre, elle est juive ashkénaze, sa grand-mère maternelle a fuit les pogroms en Russie. L'ambiance est parfois lourde dans la maison de Sunderland, Judith voudrait ne pas être juive, ne pas subir le poids de cette histoire trop pesante pour ses frêles épaules. Elle rêve d'être une jeune fille comme les autres, d'avoir des amies hors de sa communauté. Afin de s'évader, elle intègre un groupe de natation et devient une nageuse expérimentée jusqu'au moment où elle subit ses premières réflexions antisémites de la part de sa meilleure amie.

Il y avait une chance sur mille pour que Salim et Judith se rencontrent mais le destin les met sur le même chemin et quand ils se voient, pour la première fois, c'est un coup de foudre amoureux réciproque qui fait fi de leurs origines et de leur religion.

L'autrice nous plonge dans cette histoire d'amour semée d'embuches. Comment vont réagir les familles ? que se passera-t-il quand une guerre recommencera en Israël ? Comment élèveront-ils leurs enfants si jamais ils fondent une famille. Judith et Salim s'accrochent parce que l'amour est plus fort que tout. Ils se promettent de ne jamais laisser le conflit s'immiscer entre eux, de ne jamais imposer une religion plus qu'une autre à leurs enfants. Ils seront toujours dans la bienveillance et la discussion, personne ne viendra entraver le chemin qu'ils ont décidé de tracer ensemble.

On voyage à Beyrouth où Salim est parti rejoindre sa mère et son jeune frère Rafan qui a bien grandi et fait partie de l'OLP. Mais Salim ne se sent pas à sa place là bas, sa mère ne semble même pas s'émouvoir de sa visite et son frère est gangréné par sa haine d'Israël. Il se sent comme un étranger dans sa propre famille et il a, avec lui, la photographie de sa maison aux orangers. Même si ses racines sont palestiniennes et même si il est sensible au conflit, si il a de nombreux souvenirs heureux et malheureux, il ne veut pas s'engager ni se battre. Il n'a pas envie de raviver la haine entre les deux peuples. Il veut aimer Judith et fonder une famille.


C'est au Koweit, où il a trouvé un emploi, qu'il profite de sa vie amoureuse auprès de Judith et de ses jumeaux, Sophie et Marc. le couple est dans le partage, dans la communication, ils tiennent tout ce qu'ils se sont promis eu égard aux enfants. Sophie et Marc connaissent leurs racines et l'histoire de leurs familles respectives. Il n'y a aucune ambiguïté. A la maison on ne fait pas Shabbat et on ne va pas non plus a la mosquée le vendredi après-midi. Tout semble tellement facile pour ce couple aimant.

C'est pourtant au Koweit que tout va basculer. Les démons du passé reprennent vie, un passé que Salim se prend en pleine figure et dont il n'arrive plus à se débarrasser. Il a des ennuis au travail, n'est pas reconnu à sa juste valeur, il se sent comme le Palestinien d'antan, celui qui subit, il se sent comme l'enfant qu'il était, pas écouté et sans cesse rabroué. Sa maison aux orangers est omniprésente, elle le consume et Judith, malgré tout l'amour qu'elle lui donne, n'arrive pas à l'apaiser. Bientôt le jeune frère de Salim les rejoint au Koweit et embrase le cerveau de Salim qui ne sait plus qui il est réellement. Judith parviendra t'elle à le sauver de lui-même ? réussira-t-elle à éteindre les braises que Rafan a allumées ?

C'est un très beau roman que j'ai eu beaucoup de mal à lâcher. Je me suis totalement attachée à Judith parce que je l'ai trouvée d'humeur constante, tenant ses promesses d'engagement, laissant de côté énormément de choses de sa vie pour Salim. Elle est constamment dans la bienveillance, elle essaie de temporiser, tente de comprendre, elle console, elle tend la main, elle concède énormément, jusqu'à parfois oublier sa propre histoire, celle de Rivka sa grand-mère dont elle porte son étoile autour du cou.

J'ai apprécié le Salim enfant, j'ai ressenti de l'empathie quand il a du quitter sa maison, j'ai aimé le Salim étudiant et son approche avec Judith, le fait qu'il s'engage et fasse fi de la religion et de leurs différences. J'ai tremblé quand il a rejoint Beyrouth, pensant que c'était fichu et qu'il se laisserait happer par son passé, que Judith en pâtirait et que leur histoire d'amour partirait en fumée. J'ai vite compris que son frère ne le laisserait pas en paix et que pour lui cette alliance avec Judith était contre nature et impossible. Aveuglé par sa haine, Rafan a tout fait basculer avec une facilité déconcertante. Petit à petit il a initié le doute en Salim, il a attisé les flammes.

La maison aux orangers joue aussi un rôle très important dans l'histoire, c'est elle qui habite Salim tout au long du roman. On sent que c'est quelque chose de vital pour lui, qu'il n'a jamais pu oublier, que cette maison fait partie intégrante de lui, elle est sa naissance et sa continuité, il ne pourra jamais la lâcher. Inconsciemment Salim va aussi reproduire avec son fils ce qu'il a subi avec son père. Il s'était promis d'être attentif.


Quelle belle histoire, triste et tragique à la fois. J'ai beaucoup aimé les personnages si bien décrits, les paysages ensoleillés d'un lieu que je connais puisque j'ai, moi aussi, habité Jaffa, dans une rue où Juifs et arabes s'entendaient et j'ai apprécié que Claire Hajaj ne s'étale pas sur le conflit en martelant toujours les mêmes faits. C'est un roman qui se veut empathique, c'est presque un roman réconciliateur qui prouve que l'amour triomphe de tout. Je pense que c'est ce que l'autrice veut montrer dans ce livre. Si on a envie de s'instruire sur le conflit il y a des livres spécifiques pour ça.

Un merveilleux moment de lecture en ce qui me concerne, un roman qu'on a du mal à lâcher parce qu'on veut absolument connaître le dénouement. C'est un livre plein d'émotions qui s'entrechoquent, on oscille entre empathie, tristesse, joie et colère. On aimerait tellement que tout fonctionne...

Lien : https://jaimelivresblog.word..
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