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Critique de LaBiblidOnee


J'ai attendu sa sortie en poche car je craignais une énième austenerie un peu niaise et répétitive, sans grand intérêt. Pour le côté niais, je ne garantis pas qu'on y échappe totalement si on lit ce roman au premier degré : Il s'agit quand même d'une jeune femme moderne (nommée Jane, pour enfoncer le clou… !) qui, après de petites déceptions amoureuses alors qu'elle rêve de l'amour parfait avec un parfait Darcy (rien ne vous choque ?), va passer un séjour dans un établissement reproduisant la vie des romans de Jane Austen, car la vie de ces fictions la fait rêver ; Elle y trouvera d'ailleurs l'amour. Dans le genre romance-cliché, c'est vrai que ça se pose là et il satisfera les amateurs du genre.


Mais ce roman n'est pas dénué d'intérêt sur le fond, si l'on s'attache au message sous-jacent de l'auteure. En effet, le postulat de départ est très symptomatique de notre société actuelle : Une jeune femme est en mal d'amour car, s'étant plongée dans la fiction des romans de Jane Austen, dont les héros masculins sont idéalisés par les adaptations filmographiques, elle ne parvient pas à trouver dans la vraie vie un homme qui lui convienne autant, soit aussi parfait que le DARCY de Lizzy Bennet. Aucun homme ne peut souffrir la comparaison, d'où le décalage qui pose problème à pas mal de rêveuses de nos jours.


Pourtant, rien que ce postulat de départ fait réfléchir : On sait que les oeuvres de Jane Austen sont des sortes de satires sociales, l'occasion pour l'auteure de se moquer de certains romans d'amour du XVIIIème siècle, ou encore de dénoncer les travers de cette société dont les femmes étaient dépendantes des hommes, et leur condition féminine peu enviable. le paradoxe est qu'à force de désillusions et d'adaptation télévisuelles, nous idéalisons ces héros : Ici, Jane est amoureuse de l'image télévisée de Monsieur DARCY (Colin Firth, quand tu nous tiens… !), et se persuade que ce héros romanesque ne l'aurait jamais fait souffrir et saurait l'aimer d'un amour parfait du premier au dernier jour.


C'est oublier toute la teneur d' « Orgueil et Préjugés » (et son titre), les péripéties avant de trouver l'amour et, surtout, le caractère de m.... - mon mari m'a demandé de reformuler car il s'identifie à lui : psychorigide, hautain et pour le moins direct - dont semble affublé Monsieur DARCY aux yeux même d'Elizabeth Benet jusqu'au retournement final du roman (car si les conventions de l'époque y sont pour quelque chose, on voit malgré tout que tout n'est pas rose) ! Toujours parfait en tous points, notre DARCY ? Certainement pas au départ, où il est loin de se conduire en gentleman avec Lizzy ! Romance évidente et paisible ? Bien sûr que non, car notre héroïne a pris des coups (verbaux, s'entend) qui l'ont blessée, avant de filer le parfait amour avec Monsieur DARCY.


Et, finalement, ce roman remet les choses un peu à leur place en les contextualisant. On pourrait presque dire que l'auteure fait avec le monde austenien, en le parodiant, ce que Jane Austen a fait en dépeignant sa société. le séjour de Jane à Austenland lui rappelle que cette société n'était pas parfaite, ni ses héros non-plus. Elle lui rappelle surtout, et doublement avec le final de l'histoire, que les romans de Jane Austen sont des fictions dont les personnages sont inventés, et que mieux vaut une histoire bien réelle que vivre dans de faux semblants, car alors son histoire n'existe pas vraiment et elle ne peut pas la vivre pleinement. Elle doit apprendre à affronter la vie réelle qui, si elle lui semble plus difficile, est la seule à pouvoir lui apporter satisfaction à travers de vraies relations et de vrais plaisirs. Ainsi, ce séjour ne la confortera pas dans son adoration de la fiction, mais l'aidera au contraire à briser le miroir aux alouettes derrière lequel elle observait sa vie depuis de trop nombreuses années.


Oui, Monsieur DARCY et les Gentlemen de la bonne société du 19ème siècle sont polis avec les dames et peuvent voler à leur secours, ce qui se perd clairement dans une société où le harcèlement de rue est monnaie courante, mais NON ils ne sont pas parfaits même dans les romans et, scoop, ils ne sont pas réels ! Une fois cela compris, la vie austenienne n'a plus le même intérêt, elle est même ennuyeuse comparée à celle de Jane qui lui offre plus de plaisirs, et qu'elle est à présent prête à affronter, avec ses hommes imparfaits, ses concessions et ses risques à prendre.


On pourrait alors se demander si la fin, un peu trop romanesque, ne gâche pas tout le message (aucun spoiler puisque tout est dans le titre…). Je préfère accorder à Shannon Hale que sa fin symbolise la prise de conscience pour l'héroïne que tous les hommes ont leurs défauts, et qu'à partir de là elle peut accepter de passer outre pour voir leurs qualités et trouver le Prince Charmant qui lui correspond. En résumé, voici un récit dont la romance n'a vraiment rien d'extraordinaire, mais dont le message est important : Comme un psychiatre le disait récemment à la radio, il faut prendre conscience de cette tendance très actuelle à idéaliser la fiction car, poussée à l'extrême, le risque est de s'empêcher de vivre dans le réel. Je termine donc avec la dédicace de l'auteure en tête d'ouvrage :


« A Colin Firth,
Vous êtes un type génial, mais je suis mariée,
Je pense que nous devrions juste être amis. »


Est-ce une lecture que vous envisagez ou dont vous avez fait l'expérience ? Qu'en avez-vous pensé ? Vous sentez-vous concerné(e) par le message ?

Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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