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Critique de Ellane92


Khadija bint Khowaylid a presque tout pour elle : la trentaine, belle encore, elle est veuve, et riche d'un grand commerce qui voyage sous forme de caravanes et apporte les denrées rares et précieuses à Mekka. Mais son statut de femme ne lui permet pas de prendre place à la ma'la, l'assemblée qui dirige la ville, et la contraint à louvoyer avec son cousin, le puissant Abu Sofyan, qui aimerait en faire sa quatrième femme et mettre la main sur ses chameaux et ce qu'ils transportent.
Bien que dans une position pas toujours simple, les pensées de Khadija ont du mal à s'éloigner du jeune homme, Muhammad, auquel elle a confié sa dernière caravane. Il est jeune, vingt ans à peine, illettré, et est le neveu d'un petit commerçant de Mekka, à savoir pas grand-chose. S'il n'y avait ces dix ans entre eux, elle en ferait avec joie un homme riche et puissant, qui représenterait leurs intérêts à la Ma'la.
Pour la première fois de sa vie, Muhammad s'est vu confier la charge de ramener intègre sa première caravane. Entouré d'hommes d'expérience, il a ceci dit préparer un piège dans le cas assez probable d'une attaque qui ne manque pas d'arriver. Se battant avec courage et sauvant les biens de sa patronne, il ne tarde pas à se rendre compte que ce sont des hommes d'Abu Sofyan qui sont à l'origine de l'attaque !

Soyons honnête : avant de lire Khadija, je n'avais jamais lu Malek Halter. Je connaissais l'homme de paix, qui a oeuvré pour rapprocher les hommes à la tête d'Israël et de Palestine, l'homme de tolérance, qui a participé à la création de SOS racisme. J'avais également entendu parler des polémiques autour du fait qu'il s'appropriait les épisodes de vie d'autres personnes pour en rendre compte en son nom, dans La mémoire d'Abraham (mais bon, comme il le dit lui-même, il écrit de la fiction…).
J'ai été assez étonnée par cette lecture. D'abord, j'ai cru avoir à faire avec un mauvais roman à l'eau de rose, en présence de cette Khadija qui ne pensait qu'à son (manque de) charme et au beau Muhammad. Mais c'était le temps de planter le décor, de faire connaissance avec les personnages qui l'entourent, le contexte social et politique de la Mekka (La Mecque) avec son lot de partis opposants, d'attaques sournoises, d'alliances cachées, et sa galerie de dieux auxquels on sacrifie assez souvent nourriture et dévotion.
J'ai été donc étonnée par cette entrée en matière, et ce qui m'a sauté aux yeux juste après, c'est l'incroyable modernité de cette femme, qui veut être aimée pour ce qu'elle est, qui est forte et courageuse, tendre et sensuelle, sage et aimante, et qui veut à la fois être mère et épouse, et conserver l'indépendance de son commerce. Enfin, j'ai été étonnée de découvrir en Muhammad un homme. Un homme bien, aimant et aimé, s'occupant de son commerce et de ses enfants, courageux et intelligent. C'est toujours étonnant de se dire qu'avant d'être le Prophète, il était époux, père et caravanier. Bien sûr, on a affaire à une fiction, à un récit romancé, mais il n'est peut-être pas inutile de rappeler que certains ont été des hommes normaux avant d'être des hommes de dieu.
Si j'ai trouvé que le récit manquait parfois de consistance, l'écriture de Marek Halter est très fluide, enchevêtrant les actes et pensées de Khadija et Muhammad, de leurs enfants, compagnons et amis, vers la destinée du Prophète qui jettera les fausses idoles de leur socle et aura la révélation de la parole divine.
En un contexte mondial difficile, quand les amalgames entre musulmans et intégristes sont légions, quand des enfants sont enlevées pour être vendues, quand les exécutions sont sommaires et les conflits interminables, les civils bombardés, le Khadija de Malek Halter est une voix qui porte encore et toujours vers la vie, la modernité, la tolérance et la piété, une petite pierre courageuse (j'ai du mal à imaginer l'accueil de ce livre dans la communauté musulmane) à l'édifice de la paix, et un rappel de l'héritage de Khadija, la femme qui fit le Prophète, sur l'importance et de la place de la femme.
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