Monsieur Meng en est désormais persuadé : il lui faut trouver au plus vite une personne reliée dans son cœur et dans ses pensées à Paris. Une personne dont la relation à la ville ne serait pas vénale mais intime et secrète, pour un lieu fait de sens et d'images. « Ce n'est pas la vie qui est un songe, mais Paris » paraphrase Monsieur Meng. Un génie comme Calderón avait raison. Toute réalité n'est qu'une illusion trompeuse et une illusion a besoin d'un idéaliste pour la faire vivre ; une âme pure.
L'idée que le vrai puisse se cacher au sein du faux amuse le majordome. Ça le séduit, même. Aura-t-il lui aussi un jour la chance de croiser une authentique pépite ? Pourra-t-il voir naître et croître dans son Paris, jugé par certains comme une vaste mascarade, une chose réelle et sincère ?
Même Disneyland, où elle était allée une fois enfant avec ses parents, lui semble avoir plus de cachet ! Au fond d'elle, le projet la fait même frissonner d'ennui. Comment peut-on recréer de toutes pièces un patrimoine national plusieurs fois centenaire ? Encore une idée de businessmen peu scrupuleux. Et puis, ces « entrepreneurs »... toujours plus réfractaires à la notion de bon goût et de qualité quand les bénéfices ne sont pas à la hauteur ! Mais bon, après tout, « les Chinois, ça paye bien ».
Après tout, Paris est aussi la ville de la nuit et de la fête. Du moins l’imaginent-ils ainsi. D’ailleurs, les deux jeunes gens sont déjà parvenus à entrer en boîte de nuit, mais elles se sont globalement révélées médiocres. « Médiocre » signifiant dans leur esprit que les riches ne les fréquentent pas.
Il tente de faire coïncider son Paris fantasmé et les images qui défilent désormais sous ses yeux. Leur itinéraire les fait passer par le boulevard Barbès, puis la place de la République. Le Paris populaire, le Paris métissé et contestataire, celui des anciens titis. Chaque monument, chaque rue sont parfaitement reproduits dans leurs moindres détails : les ouvriers ont soigné le travail, même la pierre semble avoir subi les outrages du temps.
Quoi de plus logique pour un homme fasciné par les voyages et qui ambitionne de conquérir le monde ? De Gaule… « Avec un seul « l » », lui a précisé son contact à Paris. « Comme l’ancien nom de la France. On peut pas se tromper. » Un homme qui porte le nom de son propre pays ? Comme c’est arrogant et pratique à la fois !
Vue de l’extérieur, Paris semble avoir perdu son charme d’antan. Engoncée dans un étau trop étroit, captive, certains ne voient désormais en elle que l’extension d’un vague souvenir ; une boule à neige grandeur nature. En sera-t- il autrement une fois ses portes franchies ?