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Critique de Musa_aka_Cthulie


J'ai enchaîné les lectures plus ou moins malheureuses ces temps derniers, et notamment avec Knut Hamsun, qui, décidément, n'arrive pas à à m'enthousiasmer, si bien que je ne suis plus du tout certaine de vouloir lire La Faim.


Un jeune homme qui se fait appeler Nagel décide soudainement de débarquer dans une ville portuaire de Norvège, et se fait admettre assez rapidement dans la bonne société, malgré ses manières insolites. Mais il poursuit aussi un drôle de but, en décidant de fréquenter et apparemment d'aider un homme que tout le monde appelle Minute, et qui sert de souffre-douleur à certains bourgeois de la ville. Plus qu'une histoire, on a affaire à une suite de délires verbaux, de conversations qui partent dans tous les sens pendant des heures, de monologues intérieurs interminables. Même si certains chapitres nous accordent une pause et se concentrent sur quelques situations à peu près factuelles, on suit essentiellement - si l'on peut dire qu'on est capable de suivre de façon cartésienne quoique ce soit, ce dont je doute, et qui n'est pas le but de Hamsun - les pensées de Nagel qui défilent à toute vitesse et révèlent une personnalité accablée par l'instabilité mentale.


La façon dont Hamsun décrit chez Nagel le passage de l'excitation la plus fantasque à l'abattement le plus total, les pensées qui s'enchaînent de façon délirante à un rythme effréné, le besoin constant de parler, parler, parler, surtout en société, et de tout, de philosophie, de littérature, de politique, de n'importe quoi, voilà qui me fait dire que Hamsun a dû observer de près une ou plusieurs personnes atteintes de ce qu'on appelait alors la psychose maniaco-dépressive (je ne sache pas que Hamsun en ait été atteint lui-même, mais c'est peut-être le cas) ; les symptômes, intérieurs comme extérieurs, sont étonnamment bien rendus, étonnamment justes. Pour autant, ce sont des scènes assez fatigantes pour le personnage et pour le lecteur- comme dans la vie, cela dit -, et qui m'ont fait traîner sur le roman un bon bout de temps. Mais Nagel est aussi assailli par des rêves étranges, par des hallucinations, par ce qui semble être des prémonitions... Je n'ai donc guère de doute sur le fait qu'au moins un des buts de Hamsun, c'est de parler de ce qu'on appelle communément folie.


Mais comme Nagel se détache de la société dans laquelle il évolue, et fait tache, c'est aussi pour Hamsun le moyen de montrer comment réagit la société à ceux qui sortent de la norme. On invite Nagel à des soirées, on débat de tel ou tel sujet avec lui, on rit avec lui, on le trouve fantasque, bizarre. Jamais on ne se dit qu'il va mal, jamais on ne décèle son mal-être, et encore moins sa pathologie (ou ses pathologies, plus probablement). La société bourgeoise continue sa vie tranquille tandis que Nagel, qui s'arrange en plus pour s'encombrer d'une histoire d'amour impossible, sombre petit à petit.


J'avoue que le roman m'a laissée tout de même perplexe, et surtout lorsqu'il y est question des rapports de Nagel et Minute. Là, je vois moins où Hamsun veut en venir, si ce n'est peut-être démontrer que Nagel a démasqué l'hypocrisie sociale - je n'en dis pas plus, l'histoire de Nagel et Minute réserve quelques surprises.


En un mot, je reste vraiment sur ma réserve concernant ce roman. Qu'il s'agisse de parler de la folie ou de la normalité sociale qui écrase les marginaux, j'ai l'impression d'avoir lu des romans ou des nouvelles qui, soit m'ont davantage touchée, soit sont allés plus loin sur ces sujets - sur le fond comme dans la forme -, et surtout ont davantage condensé leur propos (je pense au Journal d'un fou ou à Bartleby, entre autres). Mais j'ai aussi l'impression que je suis passée à côté de quelque chose, que Hamsun a voulu donner une dimension philosophique à un roman qu'il a tout de même intitulé Mystères, dimension qui m'a laissée de marbre et m'a par conséquent, avouons-le, échappée.



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