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Critique de domi_troizarsouilles


J'avais choisi ce livre spécialement pour le challenge géographique auquel je participe cette année, la Chine étant à l'honneur en ce mois de septembre. Quoi de mieux qu'un polar (mon genre préféré) pour aborder cette littérature, dont j'ai déjà eu un aperçu ici ou là, mais il y a bien longtemps, et jamais sous forme d'un polar ?
Et c'est une heureuse découverte, dommage que la suite ne soit pas encore traduite, car en plus l'épilogue est un sérieux cliffhanger !

On rencontre ainsi le capitaine Pei, de la police de Longzhou, petite ville provinciale du Sichuan (N.B. : après quelques recherches, il apparaît en plus que Longzhou serait une ville imaginaire ! il y a bien l'un ou l'autre lieu de ce nom en Chine, mais aucun qui ressemble un tant soit peu à la petite ville évoquée dans ce livre). Pei était autrefois un élève brillant à l'académie de police, et promis à un avenir enviable… jusqu'au jour où il s'est retrouvé impliqué malgré lui dans la mort de sa petite amie et de son meilleur ami, probablement tués par un meurtrier insaisissable qui se faisait appeler [i]Euménide[/i], de la divinité grecque représentant la justice et le châtiment… Mais voilà qu'un nouveau meurtre signé Euménide a été commis – car il laisse à chaque fois un avis de décès -, cette fois à Chengdu, capitale (réelle, quant à elle) du Sichuan : la cellule d'investigation qui avait été formée à l'époque est réactivée, et Pei, autrefois témoin bien un peu suspect, en fait désormais partie, aux côtés de Han, capitaine brillant de cette police de Chengu et son supérieur, et de quelques autres membres très typés (parfois à la limite du cliché) de cette police chinoise moderne qui se veut surtout efficace, même si chacun des protagonistes semble bien avoir un lot plus ou moins important de casseroles à cacher…

Dire quoi que ce soit de plus serait divulgâcher, mais en tout cas on entre peu à peu dans une histoire de plus en plus complexe, avec pas mal de rebondissements, quelques retournements de situation auxquels on pouvait plus ou moins s'attendre mais qui sont menés de main de maître, dans une tension palpable du début à la fin.
J'ai lu dans l'une ou l'autre critique, ici ou là, que cette histoire n'est pas « typiquement chinoise » et aurait pu se passer n'importe où… Certes ! Mais que serait donc une enquête « typiquement chinoise » ? Je cherche encore, et en attendant je ne comprends pas trop ces critiques que j'avais ressenties comme autant de reproches, alors que pour moi c'est surtout très intéressant : ça montre bien que la criminalité est (hélas) un problème universel, de même que les notions du bien et du mal, le besoin de justice qui ne correspond pas toujours à la loi, ou les relations hiérarchiques et humaines qui se créent dans un microcosme bien particulier.

Par ailleurs, on a quand même bel et bien les aspects chinois qui permettent une certaine évasion littéraire : rien que les noms ! On ne sait jamais très bien ce qui est nom et prénom, mais ce sont définitivement des identités à consonance chinoise, qui font indéniablement « couleur locale » et nous plongent directement dans une certaine ambiance. J'avais même peur de m'y perdre un peu, car on a de nombreux personnages dans cette histoire (même si les 3 ou 4 principaux se distinguent assez vite), mais finalement non : ils sont traités de telle sorte qu'on s'y habitue peu à peu sans même s'en rendre compte, peut-être aussi parce que l'approche très psychologique de chacun d'eux par l'auteur est vraiment très maîtrisée, et les rend très « proches » malgré cet aspect linguistique qui aurait pu être un obstacle ! Et pour les irréductibles qui auraient quand même du mal à s'y retrouver, on a en début de volume une liste des personnages, reprenant nom et fonction des principaux protagonistes.
À part ça, pour moi, l'aspect le plus chinois a été le mot « populaire » ! Je me rends compte, après vérification sur ma liseuse, qu'il n'y a pas tellement d'occurrences, mais elles sautaient aux yeux. On étudie à l'université populaire, on va se soigner à l'hôpital populaire, etc. ; après tout, on vit en République populaire (de Chine) ! On pouvait donc s'y attendre, mais c'est tellement inhabituel dans le vocabulaire courant d'un polar que, tout à coup, on tique et ça fait sourire. Ainsi, à cause d'un simple mot, on se rappelle que, oui, même si les personnages, leurs secrets et leurs méfaits sont universels, l'histoire ici se passe bel et bien en Chine.

Pour le reste, comme je disais plus haut et comme l'ont relevé de nombreuses critiques, l'histoire se construit comme un (bon) polar. le point le plus brillant est sans aucun doute, à mes yeux, l'analyse fine des personnages. L'auteur parvient à rendre Pei extrêmement attachant : on a envie de l'épauler quand on entend ses doutes, sa culpabilité (réelle ou imaginée) de certains événements qui ont amené à la mort de ceux qu'il aimait le plus ; par ailleurs il a un « petit quelque chose » de plus convaincant que Han – ils ont le même grade, mais Han est de fait son supérieur hiérarchique – qui donne envie que ce soit lui qui mène l'enquête, même s'il est régulièrement mis sur la touche à cause de son passé ; et on s'émeut quand on voit comme il s'attache à Mu, la jeune psychologue de la cellule, qui d'ailleurs n'y semble pas insensible ! Han quant à lui est moins agréable : il paraît autoritaire et sec, assez imbu de lui-même à vrai dire, mais cet aspect, qu'on espère presque voir se fissurer, est tout aussi bien rendu que la sympathie qu'on ressent pour Pei. Enfin, mention pour Zeng, le geek de service, inévitablement un peu cliché, et dès lors c'est sans doute le personnage le plus universel de l'équipe ; peu scrupuleux face à la hiérarchie, doué et sûr de lui, fiable malgré tout et plutôt blagueur, il apporte une petite dose de bonne humeur dès qu'il apparaît.

Pour le reste, l'auteur balade le lecteur de rebondissements en (fausses) pistes. C'est généralement tout à fait convaincant, mais c'est aussi là qu'on sent que les codes habituels ne sont pas encore tout à fait au point, dans ce qui est un premier roman si j'ai bien compris – ou alors c'est culturel ? J'ai bien prévu de lire au moins un autre polar chinois, je pourrai alors mieux comparer. Mais en attendant, disons que, parmi les différentes pistes que l'auteur propose et que les policiers suivent, il y en a un certain nombre qui s'avèrent fausses et qui servent à mieux perdre le lecteur.

Mais d'autres sont les « vraies » pistes, et alors elles ne sont pas présentées à coups d'indices flous qui participeraient à perdre le lecteur, non ! ici, ce sont de véritables boulevards d'indices, et il faut être vraiment aveugle (ou très, très débutant dans le monde des romans policiers) pour ne pas deviner très vite le noeud de ces passages ! Or, paradoxalement, pour moi qui suis plutôt « nulle » en général à trouver la solution d'un polar, ici c'est presque trop facile, on devine des pans entiers de l'histoire avant même qu'ils soient expliqués « officiellement », à travers un dialogue ou une réunion de la cellule par exemple, et donc c'est bien un peu frustrant. C'est même pire : dans les dernières pages, quand toutes les choses se mettent en place par petits bouts et que le lecteur comprend enfin tous les liens entre les personnages et entre les indices, l'auteur prend en plus le temps de tout réexpliquer. Et alors il ne montre plus, mais il disserte comme un prof donnerait son cours ex cathedra : il devient tout à coup un narrateur omniscient très extérieur, et son écriture, généralement assez didactique, le devient tout à coup trop. C'est comme une surenchère d'explications, peut-être pas gênante en soi, mais elle m'a semblé inutile.

Il n'en reste pas moins que ce livre est très agréable à lire, avec une plume fluide et généralement assez didactique (avec excès à la fin) mais qui n'empêche pas de plonger le lecteur dans une ambiance de plus en plus tendue, avec des personnages très typés et certains même bien attachants - et on s'y retrouve même dans ces nombreux personnages aux noms bien chinois tellement inhabituels à nos oreilles. L'enquête est prenante malgré les « boulevards » de solutions que l'auteur ouvre par moments. Hâte que la suite soit traduite en français !
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