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Critique de clairejeanne


A travers l'histoire de cette jeune fille enfermée avec sa mère dans une "maison des femmes", l'auteure aborde le thème de l'amour entre un enfant et ses parents et celui du confinement d'épouses sensées avoir commis une faute.
Nous sommes dans un pays arabe, Maroc ? et une femme vit, avec sa fille, et d'autres femmes, dans une maison dont elles n'ont pas le droit de sortir ; qu'a-t-elle fait pour avoir été chassée ainsi de la famille, rejetée par l'homme qui l'aimait et qu'elle aime toujours ? Sa fille la voit se débattre dans l'incompréhension, devenir littéralement folle de douleur et s'affaiblir progressivement derrière les hauts murs qui les emprisonnent. Elle quête un peu d'amour de cette femme dont elle se sent responsable, elle, la petite ; mais "la Mère" souffre trop sans doute pour donner un tant soit peu à sa fille. Pourtant elle parle parfois avec les autres femmes, les prend dans ses bras ; elles se soudent et essaient de se débarrasser des souvenirs qui les étouffent. Elles semblent attendre qu' "ils" viennent les chercher...

Au petit matin, les hommes leur déposent à manger ; et de temps en temps, l'un ou l'autre vient rendre visite à sa femme, qui va le supplier de la laisser sortir. Mais le mari refuse, toujours, embrasse sa femme, qui se laisse faire...

Un jour, pourtant, la Mère raconte aux autres femmes : la rencontre, l'attachement et le vertige de l'amour, l'homme qui lui dit que quand ils seront mariés, il lui présentera son fils aîné. La petite apprend ainsi qu'en plus d'un Père, elle a un frère.
Le plus difficile dans cette vie cloîtrée, est la promiscuité, permanente, entre ces femmes qui sont une dizaine ; pourtant naît entre elles une solidarité qui semble ne pas exister au dehors.
Puis un jour, épuisée, la Mère meurt ; la fille l'enterre et va à la rencontre de son père...

Entre les chapitres, des extraits de journaux intimes trouvés par la narratrice, où l'on comprend que pour l'une d'entre elles, il a suffi que sa belle-mère jaillisse un matin dans sa chambre à coucher, l'accusant d'avoir été avec un autre homme, pour que le mari qui se sent sali se range du côté de sa famille. Une autre, nouvelle, raconte la maison et ses curieuses habitantes. Et enfin, le carnet intime de la Mère qui permettra à sa fille de comprendre ce qui s'est passé.

Dans ce texte magnifique, la beauté de la langue frappe d'emblée : une écriture soignée, forte, qui dresse des tableaux par petites touches ; la douleur psychique qui devient physique, la vacuité des journées quand il n'y a rien à attendre, la peur et la lacheté souvent des hommes...

Un très beau livre, un chant bouleversant qui crie une douleur mais aussi un espoir. A lire absolument !

Extrait (p 31) : " Gorge nouée. Suffocation. Vertiges. Nausées. Envie brutale de fuir cette maison singulière, aux frontières de l'irréel, cette maison dont les femmes disent qu'elle est le vestige d'un temps ancien, archaïque, une maison de pierres aux chambres carrées, à peine meublées - un lit, une chaise, une tablette -, une maison sans la moindre trace de couleur où règne le silence des cimetières, l'obscurité des forêts, une maison entourée d'un terrain vague, construite à l'écart de la ville par des hommes aidés de femmes dans le but d'isoler d'autres femmes, la maison des délits du corps où l'on ne châtie ni ne violente, où on rééduque, jour après jour, au risque d'y passer des années, par la seule force de l'enfermement. Il faudrait dire de l'enmurement.
Aucun gardien, ici, ne surveille les femmes. Elles vivent sous le poids des règles familiales inculquées depuis l'enfance et sont devenues leurs propres sentinelles."

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