C'est une maison à l'écart de la ville, une maison en pierre, sombre, avec une salle d'eau, une cour intérieure, une pièce commune et des chambres sans fenêtres. Ici ne vivent que des femmes. Amenées par un mari, un frère, un cousin, un homme qui a jugé qu'elles n'étaient plus dignes de partager la vie familiale. Réelles pécheresses ou victimes de la rumeur, elles vivent dans l'attente du pardon et d'un possible retour auprès de leurs maris. Une enfant a grandi dans cette maison, parmi les répudiées. Elle aussi attend. Même si la Mère ne fait jamais partie de celles qu'on vient chercher, même si après quinze longues années de réclusion, l'espoir est mince. le Père, un jour viendra. Et s'il ne vient pas, c'est elle qui ira, chercher son amour et sa protection dans la riche maison où il vit entouré d'une famille qui a chassé la Mère, mais qui est aussi sa famille et ne pourra rien faire contre les liens du sang et de l'amour.
Cela commence dans un huis-clos étouffant. La fille entourée, oppressée par des femmes cloîtrées, rêve évidemment de liberté. D'ailleurs, la porte de la maison n'est pas fermée à clé. ''Il suffirait d'un pas'' dit-elle à la Mère, à la fois suppliante et résignée. Car plus sûrement qu'un verrou, c'est le poids de la tradition qui pèse sur la porte qui les tient éloignées de la vie. Intimité forcée, promiscuité, les femmes meurent à petit feu...mais se réconfortent aussi, se soutiennent. Seule la fille est solitaire. La Mère s'en est éloignée à mesure qu'elle grandissait, pour lui donner une leçon de vie, lui apprendre la froideur et le rejet du monde extérieur. le grand absent est évidemment le Père, celui qui les a conduites ici, pressé par sa famille. Il n'est qu'une ombre menaçante alors qu'on la voudrait protectrice.
Difficile de s'immerger dans ce monde décrit avec une certaine distance.
Kaoutar HARCHI n'a voulu nommer ni le pays, ni la ville, ni les femmes. On pourrait être tenté de situer l'action dans un pays d'Afrique du Nord (l'auteure est d'origine marocaine) mais plus largement cet endroit où l'homme est tout-puissant et soumet la femme pourrait être n'importe où dans le monde. La femme oppressée, bafouée, répudiée, la femme accusée des pires maux, la femme qui n'a droit ni à la parole ni à la justice, la femme qui porte le péché en elle...La société faite par et pour les hommes, la société qui juge, qui rejette, qui ostracise...C'est la condition féminine qui est décrite ici dans la métaphore de cet enfermement qui est le carcan où les femmes sont confinées quand on a peur de leur éventuel pouvoir.
Une belle écriture, qui va du concis au lyrique, de l'incisif au poétique, mais qui peut émouvoir ou laisser complètement sur le bord de la route le lecteur, selon sa sensibilité.