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EAN : 9782330036201
164 pages
Actes Sud (20/08/2014)
3.58/5   92 notes
Résumé :
Enfermée depuis son plus jeune âge dans la "maison des femmes", une bâtisse ceinte de hauts murs de pierre où maris, frères et pères mettent à l'isolement épouses, soeurs et filles coupables — ou soupçonnées — d'avoir failli à la loi patriarcale, prise en otage par les mystères qui entourent tant de douleur en un même lieu rassemblée, une enfant a grandi en témoin impuissant de l'inéluctable aliénation de sa mère qu'un infini désespoir n'a cessé d'éloigner d'elle. <... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
3,58

sur 92 notes
De lourdes portes de bois ferment un antre où maris, frères et pères mettent à l'isolement épouses, soeurs et filles coupables, ou soupçonnées, d'avoir failli à la loi patriarcale.
Une enfant observe cet univers d'où les hommes sont absents, elle grandit avec une mère qui sombre peu à peu dans la folie, et rêve de rejoindre un père inconnu mais sacralisé. Seize ans que l'enfant est là, avec sa mère, et que leur lien qui fut fusionnel ne cesse de se distendre. Seize ans que l'enfant idolâtre l'image d'un père rendu définitivement absent par le poids de la tradition.
Des murmures résignés et des cris révoltés tissent cette fable magnifique et tragique qui interroge la violence du corps dans un monde dominé par le poids des traditions.
Ce livre est un pur joyau, j'en suis ressortie bouleversée.
L'écriture simple et élégante de Kaoutar Harchi, jeune auteure de 28 ans seulement, laisse présager du meilleur.



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C'est une maison à l'écart de la ville, une maison en pierre, sombre, avec une salle d'eau, une cour intérieure, une pièce commune et des chambres sans fenêtres. Ici ne vivent que des femmes. Amenées par un mari, un frère, un cousin, un homme qui a jugé qu'elles n'étaient plus dignes de partager la vie familiale. Réelles pécheresses ou victimes de la rumeur, elles vivent dans l'attente du pardon et d'un possible retour auprès de leurs maris. Une enfant a grandi dans cette maison, parmi les répudiées. Elle aussi attend. Même si la Mère ne fait jamais partie de celles qu'on vient chercher, même si après quinze longues années de réclusion, l'espoir est mince. le Père, un jour viendra. Et s'il ne vient pas, c'est elle qui ira, chercher son amour et sa protection dans la riche maison où il vit entouré d'une famille qui a chassé la Mère, mais qui est aussi sa famille et ne pourra rien faire contre les liens du sang et de l'amour.


Cela commence dans un huis-clos étouffant. La fille entourée, oppressée par des femmes cloîtrées, rêve évidemment de liberté. D'ailleurs, la porte de la maison n'est pas fermée à clé. ''Il suffirait d'un pas'' dit-elle à la Mère, à la fois suppliante et résignée. Car plus sûrement qu'un verrou, c'est le poids de la tradition qui pèse sur la porte qui les tient éloignées de la vie. Intimité forcée, promiscuité, les femmes meurent à petit feu...mais se réconfortent aussi, se soutiennent. Seule la fille est solitaire. La Mère s'en est éloignée à mesure qu'elle grandissait, pour lui donner une leçon de vie, lui apprendre la froideur et le rejet du monde extérieur. le grand absent est évidemment le Père, celui qui les a conduites ici, pressé par sa famille. Il n'est qu'une ombre menaçante alors qu'on la voudrait protectrice.
Difficile de s'immerger dans ce monde décrit avec une certaine distance. Kaoutar HARCHI n'a voulu nommer ni le pays, ni la ville, ni les femmes. On pourrait être tenté de situer l'action dans un pays d'Afrique du Nord (l'auteure est d'origine marocaine) mais plus largement cet endroit où l'homme est tout-puissant et soumet la femme pourrait être n'importe où dans le monde. La femme oppressée, bafouée, répudiée, la femme accusée des pires maux, la femme qui n'a droit ni à la parole ni à la justice, la femme qui porte le péché en elle...La société faite par et pour les hommes, la société qui juge, qui rejette, qui ostracise...C'est la condition féminine qui est décrite ici dans la métaphore de cet enfermement qui est le carcan où les femmes sont confinées quand on a peur de leur éventuel pouvoir.
Une belle écriture, qui va du concis au lyrique, de l'incisif au poétique, mais qui peut émouvoir ou laisser complètement sur le bord de la route le lecteur, selon sa sensibilité.
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Du monde, elle ne connait rien d'autre que cette « maison de femmes » dans laquelle elle est née, où elle a grandi. Un lieu entouré de grands murs de pierres et dans lequel sont enfermées celles que l'on accuse d'avoir déshonoré leur famille, d'avoir été infidèles ou d'avoir failli à leurs devoirs… Des femmes punies par des hommes, parfois même par d'autres femmes, que l'on enferme pendant un an ou deux et que parfois l'on oubli, comme c'est le cas pour la Mère de la narratrice, qui ne compte plus les années passées entre ces murs et dont la santé se dégrade à petit feu. Elle est la mémoire de ce lieu maudit, celle qui accueille et apaise la détresse et la folie des autres femmes, sans se soucier de celle de sa propre fille…


Avec « A l' origine notre père obscur », Kaoutar Harchi nous offre un récit à la première personne, aussi intense que bouleversant, qui résonne comme une longue mélopée, un chant de la narratrice destiné à toucher une mère secrète, rendue folle de douleur, et un père absent. le portrait magnifique d'une jeune fille, noyée au coeur du désespoir des femmes, en quête de l'amour qu'elle n'a jamais connu et prête à aller le chercher elle-même pour le découvrir. Une fable aussi amère que cruelle, qui révèle la noirceur de l'âme humaine, ne laissant que peu de place à l'espoir. Difficile néanmoins de ne pas se laisser frapper et envoûter par la beauté de la plume de Kaoutar Harchi ! Un roman sublime et tragique, qui m'a complètement subjuguée !
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Être une femme, même au XXI siècle, relève du challenge militaire. Et pourtant, nous les femmes sommes devenues des piliers de la vie économique, nous gouvernons parfois, nous élevons des enfants tout en assumant notre indépendance à la fois affective et financière, bref, nous aspirons toutes à mener une vie épanouie sur le plan émotionnel et professionnel. Et pourtant, bien trop restent des épouses, des mères, des femmes-objets dont on use et abuse sans vergogne, qu'on juge pour le moindre travers, qu'on traque et épie à l'affût de la plus petite faiblesse.

Notre héroïne elle, n'a pas eu la chance de certaines. Née dans une maison de femmes, ou devrais-je dire une prison de femmes au vu et au su de tous, elle côtoie depuis sa naissance ce harem de femmes, d'épouses répudiées, jugées, trahies que leurs maris, leurs frères ou pères ont envoyé au bagne, cloisonnées derrière 4 murs d'une maison de correction et d'élévation morale. Elles ont jeté l'opprobre, la honte et le déshonneur sur leur famille, elles doivent en payer les conséquences. On les condamne et pour certaines, on les récupère, espérant que l'enfermement leur aura inculqué le repenti nécessaire. Notre héroïne déteste ces femmes qu'elle juge elle-aussi. Elle n'a rien demandé. La faute à sa mère qui a péché sans savoir pourquoi. Enfermée malgré elle, le regard toujours braqué vers l'extérieur, notre jeune femme attend le jour où enfin, ses pas la porteront vers un ailleurs, une vie remplie d'amour et de tendresse, princesse fière et hautaine. Quand sa mère meurt, la jeune fille partira à la rencontre de son père, cet homme dont elle ne sait pratiquement rien. La vie réelle aura-t-elle la saveur de la vie rêvée ?

Bien qu'il traite d'un sujet grave (la condition des femmes) qui généralement me touche (en bonne féministe littéraire), A l'origine notre père obscur n'a pas su me conquérir. Quel dommage ! Je suis restée presque indifférente au style de Kaoutar Harchi et par conséquent, à son récit. J'ai éprouvé pour son héroïne une antipathie quasi instinctive, proche du réflexe pavlovien. Et pourtant, c'est un roman fort porté par une belle plume. On sent le travail d'écriture léché de Kaoutar Harchi, son envie de décrire parfaitement le désarroi de l'enfermement et la quête des origines. Mais qu'y puis-je ? Et croyez-moi je culpabilise d'être passée complètement à côté de ce roman quand tant d'autres m'ont transportée (Bilqiss de Saphia Azzeddine est un pour bijou). Je ne déconseille pas ce roman bien au contraire car je suis intimement convaincue de ses qualités. Il est juste question ici de ressenti et de pure subjectivité. Faites-vous votre avis.
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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De la poésie pour dire le corps et le manque d'amour. le manque du contact avec l'amant, avec la mère, avec le père.

Pour l'essentiel raconté à la première personne par une enfant puis une jeune fille enfermée dès avant sa naissance avec sa mère dans une maison pour femme. Une de ces maisons où les hommes, maris, pères, frères, cousins “placent” leurs épouses, leurs mères, leurs filles parce qu'elles ont attenté à l'honneur de la famille ou qu'ils croient, feignent de croire qu'elles l'ont fait.
Un texte surprenant, ambigu mais fascinant.

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critiques presse (1)
Actualitte
26 décembre 2014
Le seul reproche que je ferai à ce livre étonnant tout autant que dérangeant, c'est une écriture parfois difficile parce que faite de sous-entendus, de non-dits, de suggestions dont le fil peut parfois égarer le lecteur. Mais il ne s'agit que d'une ombre légère qui, une fois dépassée, n'enlève rien à une lecture qui continuera longtemps à questionner
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Durant plusieurs jours, je garde, enfoui en moi, un vaste sentiment de colère vis-à-vis d'elle que je ne cherche désormais plus à convaincre de la nécessité de fuir car il y a en la Mère, comme en chacune des femmes ici, une forme de complaisance à être enfermée, à être punie sans réelle raison, dans leur chair, dans leur âme, à être humiliée de la sorte- cette farine, ce sucre, cette levure, ce sel, qu'elles mendient, à chaque visite de leurs époux respectifs-comme s'il était un certain endroit où souffrir procure un certain plaisir. Et il faudrait pouvoir nommer ce lieu où se développe cette accoutumance au chagrin. Bien pire, cette dépendance au mal qu'infligent les hommes, en toutes circonstances, et auquel, pourtant, ces femmes pourraient mettre fin, en le décidant.
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L'évasion que je recherche dans la lecture (...) ne dure jamais qu'un instant. Continuellement, je suis ramenée à l'endroit que j'espérais fuir, l'endroit du tourment. Et me revient en plein visage, cette image de ma relation avec la Mère. Une relation affaiblie par ces mots qu'elle n'a jamais su me dire, qu'elle sait pourtant dire aux autres, avec une si grande douceur, une telle bonté. Des mots que j'ai cessé d'attendre pour cesser de souffrir. Comme ces gestes, aussi, ces attentions, ces regards que je ne recherche ni ne demande plus. Par fierté. Par orgueil. Par peur, surtout, de revivre une énième expérience du désamour dont je sortirais, encore, blessée, abattue, car la Mère a ce pouvoir, le pouvoir de tuer la petite fille qui survit en moi.
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« Quand il fait noir dans la maison, que les femmes grattent contre la porte de la chambre sans fenêtre, qu'elles en veulent à mon corps de fille pour nourrir leur corps de mère, qu'elles hurlent leur amour qui n'est qu'une forme de faim, la main du Père qui protège, Dieu, comme je la cherche. (…) Si vous pouviez entendre la voix qui s'élève, les sanglots qui l'encombrent, le silence, aussi, qui vient, d'un coup, y mettre fin, ce silence qui me laisse penser que la Mère est morte ou peut-être est-ce moi, et plus tard, les lamentations, les exhortations, les hurlements des femmes en pleurs, qui reprennent, qui retentissent et que le bois de la porte amplifie tandis que je plaque la paume des mains sur mes oreilles. »
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Je suis malheureuse car si, en réalité, il y a deuil et douleur, tristesse et affliction, en vérité , il n'y a qu'allée et venue. Il n'y a que passage. Et je promets à la mère, dans mes errements, dans mes égarements, dans mes rêves, dans mes hallucinations, de ne jamais la retenir là d'où la vie a voulu qu'elle parte.Je promets, en fermant les yeux et en me souvenant d'elle morte, d'elle sous la terre, de ne jamais crier au scandale car alors je serai la fille qui ignore que tout ce qui nous est donné un jour nous est repris plus tard, que rien ne nous appartient, pas même ces Mères dont nous venons , pas même ces enfants qui viennent de nous , que rien n'est possedé qui ne finisse par nous posseder à son tour......
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Et il faudrait pouvoir nommer ce lieu où se développe cette accoutumance au chagrin. Bien pire, cette dépendance au mal qu'infligent les hommes, en toute circonstance, et auquel, pourtant, ces femmes pourraient mettre fin, en le décidant.
[...] je [...]devine , sous leur masque de victime, le véritable visage des femmes. Ce visage de la complicité, de la connivence et de la confusion, aussi, puisque ces femmes sont, à cette époque mes bourreaux. Celles qui, vous savez, maintiennent vivante la tradition avec un tel engagement, une telle fougue, qu'on les croirait être des hommes. (p 41)
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Vidéo de Kaoutar Harchi
Qui sont les représentants en librairie ? Ces hommes et ces femmes de l'ombre, qui sillonnent les routes de France dans des voitures chargées de livres pour faire le lien entre les maisons d'édition et les librairies ? Elisabeth Segard, journaliste à Livres Hebdo, est allée à leur rencontre pour brosser le portrait robot de l'une des professions les plus discrètes et les plus influentes de la chaîne du livre. Dans la deuxième partie de l'épisode, Lauren Malka nous emmène au coeur de la Goutte d'or, à Paris, pour y découvrir la Régulière, une librairie-café présentée par sa fondatrice Alice et par l'écrivaine Chloé Delaume, au micro de Lauren, comme “une véritable oasis de culture”.Enfin, la clique critique de Livres Hebdo se réunit pour vous parler non seulement de ses coups de coeur de février, mais aussi de ce que ces livres dessinent dans le paysage éditorial de ce début d'année. Entre essais, BD et romans, les genres sont variés : Histoire de Jérusalem, de Vincent Lemire et Christophe Gaultier, publié aux Arènes ; Littérature et révolution, de Joseph Andras et Kaoutar Harchi, publié aux éditions Divergences ; Insula, de Caroline Caugant, publié au Seuil ; Les yeux de Mona, de Thomas Schlesser, publié chez Albin Michel ; Rousse, de Denis Infante, publié chez Tistram ; Abrégé de littérature-molotov, de Macko Dràgàn, publié chez Terres de feu. Un podcast réalisé en partenariat avec les éditions DUNOD, l'éditeur de la transmission de tous les savoirs.Enregistrement : janvier 2024 Réalisation : Lauren Malka Musique originale : Ferdinand Bayard Voix des intertitres : Antoine KerninonProduction : Livres Hebdo
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