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3,6

sur 93 notes
De lourdes portes de bois ferment un antre où maris, frères et pères mettent à l'isolement épouses, soeurs et filles coupables, ou soupçonnées, d'avoir failli à la loi patriarcale.
Une enfant observe cet univers d'où les hommes sont absents, elle grandit avec une mère qui sombre peu à peu dans la folie, et rêve de rejoindre un père inconnu mais sacralisé. Seize ans que l'enfant est là, avec sa mère, et que leur lien qui fut fusionnel ne cesse de se distendre. Seize ans que l'enfant idolâtre l'image d'un père rendu définitivement absent par le poids de la tradition.
Des murmures résignés et des cris révoltés tissent cette fable magnifique et tragique qui interroge la violence du corps dans un monde dominé par le poids des traditions.
Ce livre est un pur joyau, j'en suis ressortie bouleversée.
L'écriture simple et élégante de Kaoutar Harchi, jeune auteure de 28 ans seulement, laisse présager du meilleur.



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C'est une maison à l'écart de la ville, une maison en pierre, sombre, avec une salle d'eau, une cour intérieure, une pièce commune et des chambres sans fenêtres. Ici ne vivent que des femmes. Amenées par un mari, un frère, un cousin, un homme qui a jugé qu'elles n'étaient plus dignes de partager la vie familiale. Réelles pécheresses ou victimes de la rumeur, elles vivent dans l'attente du pardon et d'un possible retour auprès de leurs maris. Une enfant a grandi dans cette maison, parmi les répudiées. Elle aussi attend. Même si la Mère ne fait jamais partie de celles qu'on vient chercher, même si après quinze longues années de réclusion, l'espoir est mince. le Père, un jour viendra. Et s'il ne vient pas, c'est elle qui ira, chercher son amour et sa protection dans la riche maison où il vit entouré d'une famille qui a chassé la Mère, mais qui est aussi sa famille et ne pourra rien faire contre les liens du sang et de l'amour.


Cela commence dans un huis-clos étouffant. La fille entourée, oppressée par des femmes cloîtrées, rêve évidemment de liberté. D'ailleurs, la porte de la maison n'est pas fermée à clé. ''Il suffirait d'un pas'' dit-elle à la Mère, à la fois suppliante et résignée. Car plus sûrement qu'un verrou, c'est le poids de la tradition qui pèse sur la porte qui les tient éloignées de la vie. Intimité forcée, promiscuité, les femmes meurent à petit feu...mais se réconfortent aussi, se soutiennent. Seule la fille est solitaire. La Mère s'en est éloignée à mesure qu'elle grandissait, pour lui donner une leçon de vie, lui apprendre la froideur et le rejet du monde extérieur. le grand absent est évidemment le Père, celui qui les a conduites ici, pressé par sa famille. Il n'est qu'une ombre menaçante alors qu'on la voudrait protectrice.
Difficile de s'immerger dans ce monde décrit avec une certaine distance. Kaoutar HARCHI n'a voulu nommer ni le pays, ni la ville, ni les femmes. On pourrait être tenté de situer l'action dans un pays d'Afrique du Nord (l'auteure est d'origine marocaine) mais plus largement cet endroit où l'homme est tout-puissant et soumet la femme pourrait être n'importe où dans le monde. La femme oppressée, bafouée, répudiée, la femme accusée des pires maux, la femme qui n'a droit ni à la parole ni à la justice, la femme qui porte le péché en elle...La société faite par et pour les hommes, la société qui juge, qui rejette, qui ostracise...C'est la condition féminine qui est décrite ici dans la métaphore de cet enfermement qui est le carcan où les femmes sont confinées quand on a peur de leur éventuel pouvoir.
Une belle écriture, qui va du concis au lyrique, de l'incisif au poétique, mais qui peut émouvoir ou laisser complètement sur le bord de la route le lecteur, selon sa sensibilité.
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Du monde, elle ne connait rien d'autre que cette « maison de femmes » dans laquelle elle est née, où elle a grandi. Un lieu entouré de grands murs de pierres et dans lequel sont enfermées celles que l'on accuse d'avoir déshonoré leur famille, d'avoir été infidèles ou d'avoir failli à leurs devoirs… Des femmes punies par des hommes, parfois même par d'autres femmes, que l'on enferme pendant un an ou deux et que parfois l'on oubli, comme c'est le cas pour la Mère de la narratrice, qui ne compte plus les années passées entre ces murs et dont la santé se dégrade à petit feu. Elle est la mémoire de ce lieu maudit, celle qui accueille et apaise la détresse et la folie des autres femmes, sans se soucier de celle de sa propre fille…


Avec « A l' origine notre père obscur », Kaoutar Harchi nous offre un récit à la première personne, aussi intense que bouleversant, qui résonne comme une longue mélopée, un chant de la narratrice destiné à toucher une mère secrète, rendue folle de douleur, et un père absent. le portrait magnifique d'une jeune fille, noyée au coeur du désespoir des femmes, en quête de l'amour qu'elle n'a jamais connu et prête à aller le chercher elle-même pour le découvrir. Une fable aussi amère que cruelle, qui révèle la noirceur de l'âme humaine, ne laissant que peu de place à l'espoir. Difficile néanmoins de ne pas se laisser frapper et envoûter par la beauté de la plume de Kaoutar Harchi ! Un roman sublime et tragique, qui m'a complètement subjuguée !
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De la poésie pour dire le corps et le manque d'amour. le manque du contact avec l'amant, avec la mère, avec le père.

Pour l'essentiel raconté à la première personne par une enfant puis une jeune fille enfermée dès avant sa naissance avec sa mère dans une maison pour femme. Une de ces maisons où les hommes, maris, pères, frères, cousins “placent” leurs épouses, leurs mères, leurs filles parce qu'elles ont attenté à l'honneur de la famille ou qu'ils croient, feignent de croire qu'elles l'ont fait.
Un texte surprenant, ambigu mais fascinant.

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Être une femme, même au XXI siècle, relève du challenge militaire. Et pourtant, nous les femmes sommes devenues des piliers de la vie économique, nous gouvernons parfois, nous élevons des enfants tout en assumant notre indépendance à la fois affective et financière, bref, nous aspirons toutes à mener une vie épanouie sur le plan émotionnel et professionnel. Et pourtant, bien trop restent des épouses, des mères, des femmes-objets dont on use et abuse sans vergogne, qu'on juge pour le moindre travers, qu'on traque et épie à l'affût de la plus petite faiblesse.

Notre héroïne elle, n'a pas eu la chance de certaines. Née dans une maison de femmes, ou devrais-je dire une prison de femmes au vu et au su de tous, elle côtoie depuis sa naissance ce harem de femmes, d'épouses répudiées, jugées, trahies que leurs maris, leurs frères ou pères ont envoyé au bagne, cloisonnées derrière 4 murs d'une maison de correction et d'élévation morale. Elles ont jeté l'opprobre, la honte et le déshonneur sur leur famille, elles doivent en payer les conséquences. On les condamne et pour certaines, on les récupère, espérant que l'enfermement leur aura inculqué le repenti nécessaire. Notre héroïne déteste ces femmes qu'elle juge elle-aussi. Elle n'a rien demandé. La faute à sa mère qui a péché sans savoir pourquoi. Enfermée malgré elle, le regard toujours braqué vers l'extérieur, notre jeune femme attend le jour où enfin, ses pas la porteront vers un ailleurs, une vie remplie d'amour et de tendresse, princesse fière et hautaine. Quand sa mère meurt, la jeune fille partira à la rencontre de son père, cet homme dont elle ne sait pratiquement rien. La vie réelle aura-t-elle la saveur de la vie rêvée ?

Bien qu'il traite d'un sujet grave (la condition des femmes) qui généralement me touche (en bonne féministe littéraire), A l'origine notre père obscur n'a pas su me conquérir. Quel dommage ! Je suis restée presque indifférente au style de Kaoutar Harchi et par conséquent, à son récit. J'ai éprouvé pour son héroïne une antipathie quasi instinctive, proche du réflexe pavlovien. Et pourtant, c'est un roman fort porté par une belle plume. On sent le travail d'écriture léché de Kaoutar Harchi, son envie de décrire parfaitement le désarroi de l'enfermement et la quête des origines. Mais qu'y puis-je ? Et croyez-moi je culpabilise d'être passée complètement à côté de ce roman quand tant d'autres m'ont transportée (Bilqiss de Saphia Azzeddine est un pour bijou). Je ne déconseille pas ce roman bien au contraire car je suis intimement convaincue de ses qualités. Il est juste question ici de ressenti et de pure subjectivité. Faites-vous votre avis.
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La maison des femmes est un lieu où sont parquées les recluses, celles convaincues d'avoir fauté, celles qui ont bafoué l'honneur de leur mari et de leur famille, celles qui ont parfois simplement voulu être elles-mêmes. La narratrice y vit avec sa mère. Elle y est née. Devenue adolescente, elle se heurte au silence maternel et ne supporte plus la passivité de cette communauté courbant l'échine sous le joug des traditions. Les circonstances vont lui donner la force de pousser la lourde porte en bois de la bâtisse et d'aller chercher des réponses auprès de ce père qu'elle n'a jamais connu.

Au-delà de la quête des origines, ce texte d'une beauté élégiaque est avant tout un cri de révolte. Contre la complaisance, la résignation de ces femmes acceptant leur sort, ces femmes devenues dépendantes au mal qu'infligent les hommes. C'est une voix qui s'élève pour dire « je viens de vous mais je ne suis pas à vous et je refuse de me sacrifier comme les femmes, depuis des millénaires, se sacrifient ». Sacrifiées « par fidélité, par honneur, par devoir, n'osant pas se lever et se rebeller. On les avait, ces femmes, dressées pour et quand est venu mon tour de choisir quel chemin prendre, il y eut, d'abord, ce besoin viscéral de me dresser contre. Contre elles et leur docilité de petites chiennes effrayées par l'ombre du maître quand moi, moi ma vie, moi mon destin, c'était, ce maître, l'approcher, le sentir, le toucher, et, yeux dans yeux, malgré le souffle court et le soulèvement vif du coeur dans la poitrine, lui murmurer à l'oreille : vois comme je n'ai pas peur de toi. Vois comme je te comprends. Vois comme je t'aime. »

Je suis sorti de ce roman abasourdi par la puissance de l'écriture, sensuelle, heurtée, poétique. L'absence d'ancrage géographique et temporel donne au propos un coté universel. Et mon regard masculin ne peut que constater l'évidence : oui, en se réfugiant derrière le poids des traditions et la force brute, les hommes ne font que signifier leur lâcheté. Incontestablement ma lecture la plus marquante de la rentrée littéraire.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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On ne sait où se déroule cette histoire, ni quand... On ne voit que cette jeune fille qui narre sa vie, cloîtrée dans une maison où on enferme les femmes accusées d'avoir fauté. de cet enfermement naît une relation au monde, aux hommes, mais aussi avec sa Mère, qui se détache d'elle doucement. La jeune fille traduit alors la souffrance de l'absence...
Kaoutar Harchi dépeint avec délicatesse et force la vie de ces femmes, meutries et anéanties, effacées du monde et des mémoires. Sans jamais tombée dans la tragédie, cette auteur a une manière poétique de parler de ce drame.
Un roman a découvrir...
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La narratrice, une jeune femme dont on ne connait pas le nom, a grandit dans l'antre des femmes. Un lieu clos de murs fermé par de lourdes portes de bois. Un endroit où on suffoque, où on peine à respirer. On y geint, on y crie son désespoir, on s'y tait aussi par épuisement. Les femmes qui vivent dans cette maison n'y sont pas venues de leur plein gré, on les a envoyées de force, avec violence et méchanceté, au nom de traditions religieuses et patriarcales. Elles ont fauté (la plupart du temps il ne s'agit que de suppositions, rarement de faits réels), on les punit, on les condamne. On les met à l'écart du monde, on les emprisonne, on les laisse ainsi à leur sort, avec leur chagrin. Durant des mois, des années, ces femmes-là ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Elles n'avancent plus, leur vie est arrêtée, seule une lueur d'espoir vacille encore en elles : que leur maître, leur mari, revienne les chercher.
La jeune femme est ici avec sa mère. Elle a toujours vécue auprès d'elle, elle ne connaît rien d'autre. Les jours défilent parfaitement identiques. Les femmes hurlent, pleurent, se lamentent. Elle entend leurs voix qui s'élèvent, elle écoute leurs confidences. Sa mère qui est un peu la mère de toutes ces femmes est pour elle si distante, si indifférente. Comme les autres, elle attend son mari, sa délivrance. Sa fille semble transparente à ses yeux.
Toute son enfance, elle a espéré un geste, un signe, un regard. Rien.
Alors quand la mère disparaît, que le lien se rompt définitivement, la jeune femme se met en quête de celui dont elle a tant entendu parler, son père. Elle ose franchir la porte de leur prison. Elle s'échappe, inspire l'air du dehors, fuit loin de la maison qui l'a abritée pendant des années du monde extérieur. Elle part sur les traces de son père. Sans haine, sans reproche ni demande, elle veut juste rencontrer son père, le voir, le sentir, le toucher, lui sourire, lui dire... Mais quel accueil va-t-elle avoir dans l'antre du père ?
Un roman poignant, qui prend à la gorge. Une tension soutenue jusqu'au dernier mot. Une atmosphère très (peut-être trop) oppressante. Et puis, une vague lumière dans l'obscurité.
Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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Ce livre est écrit tout en délicatesse. Et pourtant, le sujet est douloureux. Une jeune fille a grandi entre les murs d'une « maison des femmes », ces coupables (ou pas) d'adultère qui se retrouvent là parce qu'elles ont été bannies par leur mari, leur belle-famille. La narratrice n'a pas connu d'autre lieu, elle est née là, d'une mère qui peu à peu va sombrer dans la folie.

C'est l'histoire d'une révolte contre un monde ancré dans les traditions.

Un huis clos dans un monde de femmes, entre silences, non-dits et révélations en pointillés. L'auteure nous tient en haleine, on veut savoir le pourquoi du comment, on veut comprendre la présence de cette femme et sa fille dans ce lieu.

Beau roman, belle écriture à la fois poétique et sensuelle, et qui ne laisse pas insensible.
Lien : http://krolfranca.wordpress...
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Beaucoup de romans s'attachent à mettre en évidence la servitude du corps féminin, issu de traditions implacables, des religions monothéistes, peu amicales avec la femme .Celui de Kaoutar Harchi, récit construit comme une voix off, récitant un texte en illustration d'images, entre dans cette catégorie, il a des chances de marquer de son empreinte cette espèce :Il s'agit d'une jeune fille qui est emprisonnée depuis son plus jeune âge dans une « maison de femmes « de laquelle on ne peut guère sortir, entourée de hauts murs de pierre. Les frères, les maris, les pères y mettent à l'isolement les épouses, les soeurs, les filles seulement coupables d'avoir voulu ou tenté, un jour ou l'autre, d'avoir transgressé la loi patriarcale.
Le récit de Kaoutar Harchi décrit la tentative de cette prisonnière de rejoindre ce « père obscur », qu'elle s'est représentée secrètement .Il n'est à séjour qu'une absence, un vide affectif. On vient prestement au vif du sujet : la condition de la femme à travers les âges, minorée par le patriarcat : « Aucun gardien, ici, ne surveille les femmes .Elles vivent sous le poids des règles familiales inculquées depuis l'enfance et sont devenues leurs propres sentinelles. Vous savez, jamais aucune n'osera ramasser ses affaires, pousser la grande porte et partir. Toutes attendent, même s'il arrive à certaines de le nier, le retour de l'époux qui lèvera la sentence les autorisera à se diriger vers la sortie. (…) Tout n'est question que de gestes, de regard, de paroles .De traditions. »
Cette recherche du père obscur, c'est une quête d'amour, un désir vif et conscient de liberté, de reprise de la possession de son destin et de son corps , par la femme .Il y a dans l'écrit toute une série de descriptions évoquant le corps prisonnier de la femme, l'évocation de scènes de cris et de chuchotements secrets , conspirant contre cette liberté, manifestant leur volonté de prolonger la servitude du corps de la femme, de son sexe : « La part masculine qu'il manquait à mon être et à la conquête de laquelle je suis partie, à mains nues, avec sur le dos une simple robe au col piqué de perles blanches . »

Comme pour mieux mettre en évidence le rôle des religions dans la perpétuation de l'image négative de la femme, Kaoutar Harchi fait précéder le début de chaque chapitre par une citation extraite de la Bible .Le style du récit , marqué par l'usage de l'apostrophe fréquent, de phrases dénuées de verbes, nous surprend ; il nous déstabilise, et provoque largement l'empathie vis-à –vis de cette femme en recherche de ce père obscur dans laquelle on reconnaît sans peine une magnifique tentative d'émancipation .
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