AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colimasson


Né dans les années 1930, Michael se barre du côté des Jivaro une première fois dans les années 60 puis une seconde fois quelques années plus tard, sans doute enflammé par la fièvre de l'Equateur et ses mixtures d'ayahuasca. Sa contamination est d'ailleurs si totale qu'à l'époque où l'anthropologie posait l'interdiction de participer à la vie des populations qu'elle étudiait, Michael décide de tout envoyer foutre et de s'initier au chamanisme. C'est ce qu'il nous raconte dans une première partie enthousiasmante comme un conte hallucinogène. Depuis cette époque, Michael n'a eu de cesse d'approfondir ses connaissances pour reconnaître dans le chamanisme une tradition participant du substrat spirituel de l'humanité.


« L'un des aspects les plus remarquables des postulats et des méthodes chamaniques est qu'ils sont très similaires dans des régions de la planète très éloignées les unes des autres, comme l'Australie Aborigène, l'Amérique du Nord et du Sud, l'Asie centrale et la Sibérie, l'Europe du Nord et de l'Est, et l'Afrique du Sud. Même dans la littérature historique de la Méditerranée classique, ou de l'Europe de l'Ouest du Moyen Age et de la Renaissance, on trouve la preuve que le même savoir chamanique fondamental existait là autrefois avant d'être presque complètement éradiqué par l'Inquisition. »


Ce livre se présente comme un manuel d'initiation à l'usage des profanes désirant s'approcher sans prendre trop de risques du chamanisme. Les plus motivés, munis de leur tambour et de leurs maracas, pourront donc essayer de pratiquer le voyage chamanique pour visiter le Monde d'en Bas à la recherche de leur animal gardien. Ceux qui n'en sont pas encore là pourront se contenter de se familiariser avec un univers étrange et charmant.


Pour comprendre ce que désigne la réalité dans le chamanisme, il importe de comprendre que le chamane évolue dans deux types de réalités différentes : l'ECO (état de conscience ordinaire, le nôtre la plupart du temps) et l'ECC (état de conscience chamanique). Lorsqu'une personne malade ou déspiritualisée vient consulter un chamane, celui-ci se plonge en ECC soit par la consommation de drogues soit par une transe induite par le battement du tambour ou des maracas. Il peut alors apercevoir le mal logé dans son patient (dans le cas d'une maladie ou d'une malédiction) sous la forme d'une entité visible seulement en ECC sous sa forme symbolique (un insecte ou un reptile par exemple). le chamane ira alors chercher le remède approprié parmi sa collection d'esprits alliés. Ces esprits alliés peuvent être visibles en ECO sous forme d'insectes, plantes, cailloux ou autres objets récoltés dans la nature sauvage, mais dont la correspondance en ECC est souvent assez fantastique (panthères, papillons géants, etc.). A chaque esprit allié correspond une fonction de guérison spécifique. le chamane s'arme des esprits alliés appropriés et entreprend l'aspiration puis le vomissement de l'entité qui rendait son patient malade (un peu comme dans la Ligne Verte de Stephen King).


Les maladies de déspiritualisation, telles que nous les connaissons bien en nos contrées (sous le nom de dépression par exemple), seraient quant à elles dues à la perte de l'animal gardien. Un animal gardien est un esprit allié qui désire faire profiter l'homme de son pouvoir vital en échange de la corporéité humaine. L'animal gardien sera heureux de rester avec l'homme si celui-ci lui permet de temps à autre de retrouver les sensations de la matière en dansant sa danse ou en chantant son chant, et s'il écoute ses messages lors des grands rêves. Mais si l'homme oublie son animal gardien, celui-ci deviendra impatient et finira par s'éloigner pour ne plus jamais revenir. L'homme aura perdu sa force vitale, celle qui, dit-on, permet de repousser les maladies et de retarder le moment de la mort.


« L'esprit gardien animal résidant dans le corps-esprit d'une personne veut avoir la joie d'exister une nouvelle fois sous une forme matérielle. C'est un échange, car la personne acquiert le pouvoir de tout le genre ou l'espèce représenté par cet esprit gardien. Tout comme un humain peut vouloir faire l'expérience de la réalité non ordinaire en devenant chamane, un esprit gardien peut souhaiter faire l'expérience de la réalité ordinaire en entrant dans le corps d'un être humain. »


Comme le rappelle Michael, le chamanisme n'est pas une science et on ne peut pas démontrer scientifiquement sa validité ; toutefois, on peut en reconnaître l'efficience. Comme l'écrivait Albert Schweitzer : « le sorcier réussit pour la même raison que nous autres [médecins]. Chaque patient porte en lui-même son propre médecin. Ils viennent à nous sans connaître cette vérité. Nous donnons le meilleur de nous-mêmes lorsque nous permettons au médecin qui réside dans chaque malade de se mettre au travail ». Et Michael de conclure : « Les succès de la médecine scientifique et technologique occidentale sont évidemment miraculeux à leur manière. Mais j'espère que le savoir et les méthodes chamaniques seront respectés par les Occidentaux, parce que de leur côté les chamanes respectent la médecine technologique occidentale. Au sein d'un respect mutuel, ces deux conceptions peuvent favoriser l'aboutissement de l'approche holistique de la guérison et de la santé que tant de personnes recherchent aujourd'hui. »


Bien entendu, le chamanisme n'est pas qu'une méthode thérapeutique (ça c'est notre façon de faire passer la pilule en occident). C'est une vision du monde qui embrasse le connu et l'inconnu dans l'établissement de relations subtiles et harmonieuses. Un livre à découvrir pour une première approche modeste.
Commenter  J’apprécie          162



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}