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Critique de Euphemia


Tout d'abord je tiens à remercier l'auteure, Delenn Harper et le site Simplement Pro pour m'avoir permis de bénéficier de ce service presse.

Un pays celtique est présenté comme un récit de fantasy mais pas de magie, de dragons ou d'elfes dans ce récit. On est loin des histoires bourrées d'actions, de trahisons et d'intrigues politiques. Il y a bien des combats mais ils se situent à l'intérieur même de l'héroïne, qui se débat avec ses traumatismes.

L'histoire commence avec un petit coté Harry Potter : une jeune bretonne, Lania, reçoit une mystérieuse missive l'invitant à poursuivre des études dans une école très particulière. Sur le papier, le début manque d'originalité mais très vite, l'histoire va prendre ses distances par rapport à ce type de fantasy. Tout au long de la trilogie, Lania va alterner cours à son école et sa vie dans le monde moderne. le début est assez déconcertant car il y a peu de repères, notamment en termes d'époque. C'est peu à peu, au fur et à mesure des mentions de certains objets et de certains événements (semaine de la mode) qu'on peut situer le monde extérieur à l'école comme notre monde moderne, fin XXe/ début XXIe siècle. L'école semble exister dans une version alternative du Royaume Uni, où la monarchie aurait été remplacée par une société matriarcale d'origine celtique.

Le parcours initiatique de Lania repose sur sa découverte des traditions matriarcales qui ont cours dans la culture celtique. Ces traditions lui sont inculquées à l'école et elle les met en pratique dans sa propre vie à son retour dans le monde moderne. Son parcours repose sur la confrontation entre la théorie celtique et la pratique des valeurs celtiques dans le monde moderne.

Globalement je ressors de ma lecture avec un avis mitigé sur ce roman. le récit relève plus du conte initiatique, fortement influencé par des courants de pensée actuels que de la fantasy. Il y a un fort aspect « ouvrage de développement personnel » qui me semble trop démesuré en terme de place dans le roman et surtout maladroitement exposé. La plupart des valeurs celtiques lui sont enseignées pendant les cours et les monologues des enseignantes sont, à mes yeux, trop longs. le lecteur a l'impression de subir un cours magistral interminable. Je trouve que cet aspect déséquilibre le roman.

J'ai aussi eu du mal avec les valeurs inculquées, notamment à cause de mes convictions personnelles, surtout en ce qui concerne la santé. Lania, hypocondriaque de nature et donc très fournie en médicaments, décide désormais de n'utiliser que des remèdes naturels donc elle jette toutes ses boîtes et les remplace par des herbes et des médicaments homéopathiques. Sur le papier, limiter la consommation de médicaments, oui bien sur, des tisanes pour les maux bénins oui aussi mais je ne crois pas en l'homéopathie. de même un peu plus loin, l'enseignante principale et les camarades de classe de Lania se lancent dans une charge contre la pilule contraceptive qui impose un cycle non naturel à la femme en lui fournissant des hormones en trop. L'enseignante compare même le sang d'une femme sous pilule au sang d'une personne malade, donc à du sang contaminé. le raisonnement de l'enseignante repose sur l'idée que la pilule est un moyen des hommes pour contrôler le corps d'une femme dans une société patriarcale. Je trouve que c'est nier le fait que la pilule permet aussi à la femme de contrôler son propre corps et de décider si elle souhaite tomber enceinte ou non.

D'ailleurs cette question de la santé et de la contraception m'amène à m'interroger sur la vision de la femme donnée dans cette tradition matriarcale celtique. J'ai l'impression que le parcours de Lania l'a conduite d'une prison à une autre, de la tradition patriarcale à une autre tradition mais tout aussi fermée aux évolutions. Deux petits exemples. L'une des enseignantes pose que « la femme est naturellement spirituelle ». Plus tard, Lania est interrogée sur le fait que sa décision de rejoindre ou non les prêtresses aura des conséquences pour sa famille :

— Et tes enfants, fille de Katell ?
— Je n'ai pas d'enfants, madame ! lui répondis-je en essayant de baisser le ton.
— Il arrivera un temps où tu auras des enfants, Lania, ou bien tu voudras en avoir…

Et si une femme n'en veut pas ? Ce roman pose un certain nombre de traits comme naturels, comme inévitables et faisant partie de la nature féminine, et ce discours me gêne. Il est tout aussi essentialiste que la vision patriarcale des femmes. Il ne laisse pas de place pour le choix individuel. D'ailleurs, la bonne preuve, c'est que les femmes sont choisies, sont élues. Quand à la fin du roman, les novices, devenant prêtresses, doivent être réparties entre différents postes possibles, c'est l'Oracle qui le leur attribue.

A côté de ces points, il y a des idées passionnantes développées, malheureusement parfois survolées, évoquées rapidement mais sans retour alors que cela aurait pu être très productif : une des enseignantes prévient les novices qu'il faut apprendre à interpréter les contes et le roman regorge de contes mais on ne voit jamais Lania essayer de les lire, de les interpréter, de revenir dessus. Ils servent d'illustration, d'histoire dans l'histoire mais sans être exploités par ailleurs. La valeur de la porte comme seuil est aussi évoquée mais le récit n'en fait rien d'autre. Et pourtant la porte est un élément essentiel dans tout récit initiatique.

Un motif est particulièrement bien développé, celui du cycle, ainsi qu'un autre qui lui est associé, la spirale. le parcours de Lania dure un peu plus d'un an, on revient au même moment de l'année au début et à la fin de la trilogie mais cela permet de constater l'évolution de Lania. La symbolique des saisons présentée est vraiment intéressante.
Avec l'automne, le travail caractéristique est celui de la destruction afin d'ouvrir le chemin à un nouveau cycle. Donc les labours de la terre peuvent être associés à certaines de nos souffrances affectives. Cette phase peut, avec l'optimisme nécessaire à cette voie spirituelle, être perçue comme un processus évolutif.La souffrance et le déséquilibre peuvent ainsi devenir productifs s'ils sont compris comme un labour en vue des semailles prochaines. (livre 1, chapitre1)

Enfin le récit est aussi parsemé de références musicales. C'est assez logique étant donné que Lania travaille dans la musique au début du roman. J'ai aimé ces références ainsi que leur éclectisme. L'auteure a créé des listes spotify pour les écouter au fur et à mesure de la lecture. J'ai trouvé que c'était une bonne idée.

En conclusion, j'ai trouvé que le roman était trop bavard, surtout les enseignantes, et que ce n'est pas le type de fantasy que j'aime (cela relève d'une question de goût personnel). le contenu est très dense, peut être trop, avec beaucoup d'idées et certaines sont en conséquence survolées. J'ai aimé le travail sur certains motifs qu'on retrouve dans la littérature en général (cycle, spirale, porte). le côté « développement personnel » est trop présent à mes yeux, d'autant plus que certaines idées heurtent mes convictions personnelles.
Lien : http://euphemia.ovh/index.ph..
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