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Critique de OphelieC


Il est vrai que Jim Harrison fait preuve d'originalité avec le thème central d'"Un bon jour pour mourir". C'est d'ailleurs l'un des rares points positifs de son roman. Former un trio improbable entre un ancien du Viêt-Nam, un féru de pêche à la truite et une belle blonde aux courbes pulpeuses, là pour faire tourner la tête de ces deux garçons, était une idée prometteuse. Mais si en plus, ils s'embarquent pour le Grand Canyon, dans l'idée de faire sauter un immense barrage pour permettre aux truites de remonter le courant, mais aussi dans un acte de sabotage marquant, alors Un bon jour pour mourir ne pouvait être qu'un roman passionnant et plein de rebondissements. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Jim Harrison n'a eu que la bonne idée de ce roman, qui appelle le lecteur dès la lecture de la quatrième de couverture, mais ensuite, le reste ne suit pas...

Les personnages originaux et décalés de ce trio improbable deviennent vite lassants et répétitifs. Dans un premier temps, il est difficile pour le lecteur - voire impossible - de s'attacher à Tim, le vétéran du Viêt-Nam qui est foncièrement égoïste. C'est un homme brut et accro aux petites pilules. Il est obsédé par cet acte de sabotage qu'il voit presque comme quelque chose d'héroïque et de grandiose, dans l'idée de marquer le coup. Faire sauter le barrage du Grand Canyon devient alors pour lui, une véritable obsession. Tim est un homme fou, ce que le lecteur apprendra à ses dépens. Il fait une fixation presque paranoïaque sur la dynamite, les sacs d'engrais, l'essence, ruminant pendant les interminables kilomètres de ce road trip, son plan d'action. Il se distingue d'ailleurs par sa cicatrice, vestige de la guerre.

Puis, vient le personnage principal, celui qui nous raconte l'histoire. Un féru de pêche qui n'a pour seule obsession, que de pêcher sans arrêt ! S'il est parfois instructif pour le lecteur, d'apprendre deux ou trois choses sur les différents poissons, les hameçons, la température de l'eau et autres, ça devient très vite répétitif... D'ailleurs, cet homme ordinaire ne cesse de répéter qu'il ne sait pas pourquoi il s'embarque dans cette épopée avec des gens qu'il ne connaît pas, simplement pour faire sauter un barrage qui ne l'intéresse pas plus que ça. Il est donc très agaçant qu'il se remette à longueur de temps en question, incapable de savoir s'il veut continuer à avancer ou bien rentrer chez lui et passer ses journées à pêcher...

Enfin, la seule figure féminine, Sylvia, revêt les atours d'une pimbêche blonde et écervelée, qui passe son temps à dormir nue. Une espèce de Marylin fade et creuse à l'intérieur. Ex-femme de Tim, elle s'accroche encore à lui, tandis que ce dernier n'en a plus rien à faire. Drogué aux pilules et à l'alcool, il est incapable d'avoir des rapports sexuels. Ce que le personnage principal s'efforcera de combler en courant après notre héroïne. Nous avons donc droit à des scènes répétitives, dans lesquelles Sylvia se laisse approcher, pour mieux le repousser. Tout au long du roman, elle ne sait pas ce qu'elle veut, joue à l'effarouchée et rend notre héros cinglé ! Elle incarne alors un objet sexuel convoité dont Tim se débarrasse volontiers. En vain...

Qui plus est, leur rencontre est peu vraisemblable et leur odyssée ne tient pas la route. Notre pêcheur rencontre Tim dans un bar, lors d'une partie de billard, et sur un coup de tête, juste une phrase au hasard, ils décident de faire équipe et de partir à l'aventure ! Diamétralement opposés, cette pseudo-amitié ne tient pas la route et fait perdre le peu de crédibilité qu'il restait, à ce roman décalé...

Mais le pire reste à venir. Notre trio est à la fois alcoolique et toxicomane. Les deux hommes passent leur temps à siroter du whisky à outrance et à se gaver d'un nombre incalculable de cachets, de pilules et de drogues. Les joints passent de bouche en bouche et les bouteilles descendent à vue d'oeil. Certes, il y a ce côté de la déchéance, cette descente aux Enfers graduelle, ce road trip des années 60 qui rappelle la génération hippie, le sexe, les folies, le laisser-aller, mais c'est trop, beaucoup trop. le lecteur fait tout simplement une overdose. On dirait que l'auteur a voulu imiter Sur la route, le chef-d'oeuvre de Jack Kerouac, mais en moins bien. Il n'y a pas été de main morte et au final, il détruit son propre roman. Il passe complètement à côté en voulant en faire trop et c'est une amère déception.

Jim Harrison avait toutes les cartes en main pour faire une rocambolesque aventure. Une idée originale qui défendait certaines valeurs et que le lecteur pouvait comprendre. Des personnages décalés, promesse de rebondissements et de bonnes parties de rigolade. Un style incisif et percutant, une patte littéraire qu'on n'oublie pas.

Malheureusement, ce doyen de la littérature américaine de l'errance et des voyages, n'a ici, pas écrit son meilleur roman. Un trop-plein d'addictions et des personnages qui en deviennent détestables, ont largement altérés notre plaisir de lecture. La fin, quant à elle, est à l'image de l'ensemble, incohérente. Si bien que le lecteur arrive à se demander : pourquoi tout ça ?
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